Une pratique d'animation territoriale marquée par l'urbanisation: les chants improvisés par les poètes du Nordeste brésilien
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fr
Chapitre d'ouvrage
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L'animation socioculturelle, quelle place dans le projet urbain?, L'animation socioculturelle, quelle place dans le projet urbain?. 2014p. 409-422
Carrières Sociales Editions
Abstract
M'intéressant de longue date aux musiciens latino-américains, j'ai initié il y a une vingtaine d'années une enquête sur les chanteurs populaires qui improvisent leurs couplets. Cette recherche, au croisement de la musicologie ...Read more >
M'intéressant de longue date aux musiciens latino-américains, j'ai initié il y a une vingtaine d'années une enquête sur les chanteurs populaires qui improvisent leurs couplets. Cette recherche, au croisement de la musicologie et de l'ethnologie, m'a conduit sur le terrain du Nordeste brésilien, à la rencontre de passionnés de poésie improvisée – des chansonniers et leurs admirateurs qui se réunissent lors de sessions nocturnes, nommées cantorias. Dans toute l'Amérique Latine, on partage un trait culturel : l'engouement pour une parole exprimée dans les règles de l'art. On y apprécie la poésie chantée (qui est une parole lyrique), la joute poétique (une parole dialectique), l'art des chansonniers (une parole polémique). Mais le Nordeste du Brésil se distingue par la valeur qu'on y accorde à l'improvisation totale des vers chantés : on y plébiscite le repente, qui est l'art de produire un couplet à l'improviste. Les Nordestins se distinguent aussi par la vivacité de leur tradition qui compte désormais beaucoup plus d'acteurs qu'autrefois. L'urbanisation a dynamisé l'évolution de la tradition du repente. Depuis un demi-siècle, l'urbanisation est un phénomène socio-démographique majeur au Brésil : en 1960, quand la capitale futuriste Brasília fut édifiée au milieu de nulle part, pour un Brésilien vivant en ville, quatre vivaient en milieu rural. Cette proportion s'est inversée aujourd'hui. Les habitants du Nordeste du pays constituaient déjà le principal contingent de travailleurs migrants vers des fronts pionniers comme l'Amazonie. Depuis un demi-siècle, ils ont participé en masse à l'industrialisation et à la construction des villes devenues mégapoles (telle São Paulo, la plus grande d'Amérique du Sud). En conséquence, l'exode rural a dépeuplé le sertão, le terroir du Nordeste où était née la tradition du repente. Les poètes itinérants du sertão d'autrefois se sont mués en poètes migrants, suivant leur public vers les villes, adaptant leur art rustique aux défis de la modernité. Le projet urbain de tous ces migrants implique nombre d'ajustements sociaux et d'adaptations culturelles. Je montrerai d'abord en quoi un art de la parole régi par une éthique de la spontanéité contribue à cette émancipation ; ensuite, la façon dont les poètes improvisateurs pratiquent une forme d'animation territoriale en conjuguant création, médiation et autonomisation ; enfin, la raison de l'épanouissement d'une expression populaire cristallisant une demande sociale, dans des villes marquées par la diversité culturelle, le cosmopolitisme, la pression de la modernité et de la globalisation.Read less <
Keywords
chant
poésie improvisée
Brésil
urbanisation
territoire
animation
Origin
Hal importedCollections