Politisation et socio-histoire

Abstract

Pour la plupart des branches de la science politique francophone, le genre n'est plus un outil d'analyse inconnu. En revanche, la sociologie historique du politique française semble plus hermétique à l'utilisation de cette catégorie d'analyse. Qu'il soit envisagé dans son acception de simple construction sociale des différences sexuelles ou dans son acception plus critique d'expression de rapport de pouvoir (Scott, 1988), le genre n'est pas une grille de lecture familière des socio-historien.ne.s en France-contrairement aux recherches de langue anglaise qui l'ont intégré précocement dans les analyses de la citoyenneté ou de la protection sociale (Adams et al., 2005). La socio-histoire du politique, qui se distingue de la sociologie historique par sa démarche plus que par ses terrains d'investigation, n'échappe pas à ce constat. Plusieurs explications sont envisageables. Sa place au sein de la discipline a fait l'objet de débats (Déloye et Voutat, 2002 ; Favre, 2010). Moins institutionnalisée que la sociologie historique du politique de langue anglaise, elle relève davantage d'une méthodologie que d'un paradigme visant à théoriser le monde social ou à en dégager des lois. Il faut aussi chercher du côté des objets investis par la socio-histoire-la nation, le vote, la politisation-qui renvoient à des univers pensés par des hommes et à des acteurs masculins. Une hypothèse avancée par les historiennes du genre est en effet que le sexe des chercheurs, en l'occurrence des socio-historiens, n'est pas non plus étranger à la cécité sur le genre (Thébaud, 1998). Si l'on regarde les contributions des auteurs de langue française publiés sous ce label, on ne peut qu'être frappée par l'absence d'auteures (Buton et Mariot, 2006) ou, quand des femmes sont contributrices, par l'omission du genre dans la majorité des articles (par exemple Déloye et Voutat, 2002 ; Offerlé et Rousso, 2008). Pourtant, par son ambition épistémologique, la socio-histoire offre des possibilités d'interrogation et d'analyse de la construction sociale de la différence des sexes, des phénomènes d'assignation des identités sexuées, de la construction des groupes sociaux et des configurations travaillées par des rapports sociaux de classe, de sexe ou de race.