« La saleté n’a qu’à descendre » : rapport au corps et expériences vécues par les travailleuses du sexe en Côte d’Ivoire (projets ANRS 12361 PrEP-CI et ANRS 12381 PRINCESSE)
Langue
FR
Autre communication scientifique (congrès sans actes - poster - séminaire...)
Ce document a été publié dans
11e AFRAVIH, 2022-04-06, Marseille. 2022-04-06
Résumé
Objectifs Analyser le rapport au corps de travailleuses du sexe (TS) enquêtées en Côte d’Ivoire dans la région de San Pedro. Leurs représentations d’un corps situé à la frontière des sphères intime et professionnelle peut ...Lire la suite >
Objectifs Analyser le rapport au corps de travailleuses du sexe (TS) enquêtées en Côte d’Ivoire dans la région de San Pedro. Leurs représentations d’un corps situé à la frontière des sphères intime et professionnelle peut éclairer leurs perceptions et l’acceptabilité des services de santé qui leur sont proposés. Matériels et Méthodes Des entretiens qualitatifs ont été réalisés, au sein de l’étude transversale PrEP-CI et du projet PRINCESSE qui a suivi (cohorte interventionnelle mono-bras avec offre élargie en santé sexuelle et reproductive, dont PrEP), en 3 vagues (2016, 2019, 2021) auprès de 100 TS, complétés par des observations de terrain sur sites. Résultats La notion de circulation des fluides et son importance dans le maintien d’un "équilibre" émergent des entretiens. Certaines TS expriment la crainte que les interventions de santé, et en particulier les prises de sang, puissent affaiblir le corps, induire de la "fatigue", notamment si cela n’est pas contrebalancé par l’ingestion de substances énergétiques, comme des boissons sucrées. Le nombre élevé de tubes de prélèvements sanguins et l’absence de collation (jusque mi 2021) sont mentionnés comme des freins à l’engagement dans les soins. La notion de circulation renvoie également à l’expulsion de la "saleté", comme sont souvent définis le sperme ou les règles. Lors d’une rupture de préservatif, il n’est pas rare que les TS se "purgent" en nettoyant leur corps par l’ingestion de cola ou des lavements, ce qu’elles perçoivent comme plus efficace que la prise de comprimés (traitement IST ou post-exposition VIH, pilule du lendemain), qui reste exceptionnelle. Les TS sont souvent réticentes à utiliser les injections ou les implants contraceptifs, car les règles risquent de "rester" plutôt que de "descendre" et d’être évacuées. À l’inverse, il s’agit parfois de bloquer la circulation des fluides. Les TS interrogées se "préservent" en utilisant des préservatifs avec leurs clients. Les rapports tarifés sans préservatif relèvent de l’exception, avec des clients réguliers ou à des tarifs bien plus élevés. Sa non-utilisation avec leur partenaire régulier permet de différencier relation personnelle et professionnelle. Par ailleurs, la circulation des menstrues peut être temporairement suspendue, par du coton ou de la glace, le temps du travail. La PrEP, médicament que l’on prend sans être malade, apparaît pour certaines comme "fatigante" et "inutile", avec le risque de causer un déséquilibre dans un corps bien portant, bien qu’elle empêche la maladie de "rentrer dans le corps". Conclusion Ces analyses, qui seront complétées début 2022 avec une enquête spécifique, montrent que les TS ont une approche de leur santé et du soin de soi qui n’est pas forcément celle pensée par l’équipe du projet. Le rapport au corps des TS éclaire les réticences qu’elles peuvent exprimer quant aux différentes offres de santé, pas toujours perçues comme adaptées, et explique en partie les freins à l’entrée et au maintien dans les soins, confirmés par les données quantitatives.< Réduire
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