Projet Seine-Aval 6 PHARESEE « Productivité microphytobenthique des HAbitats intertidaux en lien avec la dynamique sédimentaire, biogéochimique et les ingénieurs d'écosystème de la faune benthique : implication pour des enjeux de modélisation et de REhabilitation des vasières de la SEine Estuarienne »
Langue
FR
Rapport
Ce document a été publié dans
2022
Résumé
L'estuaire de la Seine est soumis à divers stress anthropiques et hydro-climatiques.
Cet écosystème côtier perd son caractère estuarien à cause d'aménagements qui ont eu
comme conséquence de voir disparaître de vastes ...Lire la suite >
L'estuaire de la Seine est soumis à divers stress anthropiques et hydro-climatiques.
Cet écosystème côtier perd son caractère estuarien à cause d'aménagements qui ont eu
comme conséquence de voir disparaître de vastes surfaces de vasières intertidales. Ces
habitats fonctionnels jouent un rôle majeur dans le fonctionnement écologique des estuaires,
car ils abritent des communautés méio- et macro-benthiques très diversifiées et représentent
la principale zone d’alimentation de nombreux vertébrés dont certains d’intérêt écologique ou
commercial majeur (e.g. poissons, oiseaux). La dynamique des vasières intertidales est
fortement influencée par les processus hydro-sédimentaires estuariens, étant tantôt source,
tantôt puits de sédiment. Elles constituent ainsi un élément essentiel des cycles
biogéochimiques se déroulant au sein des estuaires. Les caractéristiques morphologiques et
biogéochimiques de ces zones vont directement influencer les échanges de matière et
d’énergie qui s’y déroulent. Il est donc impératif d'avoir une approche pluridisciplinaire pour
comprendre leur fonctionnement.
Le projet PHARE-SEE avait pour objectif (i) de mieux comprendre le rôle des
bioturbateurs et leur effet sur le microphytobenthos, les paramètres hydrosédimentaires et
biogéochimiques dans les vasières de l’estuaire de Seine et (ii) de développer un modèle de
production primaire microphytobenthique couplant l’ensemble des paramètres
susmentionnés.
Le premier objectif du projet a été réalisé en couplant expériences sur le terrain et en
laboratoire. Ainsi, des expériences d’exclusion/ensemencement de faune ont été menées sur
la vasière Nord, à l’aval de l’estuaire de Seine, et sur 2 faciès sédimentaires contrastés, avec
un suivi de la dynamique saisonnière du microphytobenthos et de l’ensemble des paramètres
biogéochimiques et hydrosédimentaires. De plus, des expériences en laboratoire ont été
réalisées, avec une évaluation des flux diffusifs de nutriments à 2 saisons contrastées
(hiver/été) en fonction du mélange sablo-vaseux et de l’intensité de la bioturbation par la
macrofaune benthique dominante de la vasière (le ver Hediste diversicolor et le bivalve
Scrobicularia plana).
Les expériences de terrain ont montré que l’effet saisonnier était plus prononcé que
celui des bioturbateurs sur l’ensemble des paramètres biogéochimiques dans le sédiment
(matière organique sédimentaire, processus et biomasse microbiens). Contrairement à la
matière organique sédimentaire, principalement d’origine terrigène, la matière organique
dissoute présente dans les eaux interstitielles, majoritairement d’origine autochtone, est
réactive et influencée par l’activité des bioturbateurs. Ces derniers ont une influence
prononcée sur l’érodabilité, avec un rôle biostabilisateur efficace pour Hediste diversicolor en
été comme en hiver et un rôle déstabilisateur pour Scrobicularia plana exclusivement en été.
Malgré des processus de consommations primaires très élevés et des pertes par érosion, le
niveau de production primaire microphytobenthique reste par ailleurs très important sur la
vasière. Les analyses réalisées ont également révélé le rôle majeur du microphytobenthos
dans le réseau trophique pour H. diversicolor, S. plana et la méiofaune (analyses isotopes
stables, collaboration projet SA6 SENTINELLES).
Les expériences en mésocosme, complémentaires de celles réalisées sur le terrain,
ont montré que l’activité de bioturbation des deux ingénieurs d’écosystème diffère quelle que
soit la saison. Ainsi, le processus de transport d’eau et des composés dissous (bioirrigation)
domine chez H. diversicolor, alors que l’activité de S. plana est dominée par le remaniement sédimentaire. Les flux biogéochimiques à l’interface eau-sédiment sont principalement
influencés par la bioirrigation. Enfin, il a été observé que S. plana consomme très activement
les biofilms microphytobenthiques et limite fortement leur capacité de développement, alors
que la biomasse microphytobenthique n’est pas affectée par les activités de Hediste. Cela
démontre que la consommation herbivore est totalement compensée par des effets positifs
liés probablement à la bioirrigation, activée de manière générale plus de 40 fois par Hediste.
Dans un second temps, ce projet proposait de modéliser la production primaire
microphytobenthique en relation avec la dynamique sédimentaire et les processus
biogéochimiques. Les données acquises via expériences en laboratoire et sur le terrain ont
servi à développer ce modèle. Ainsi, le modèle MARS3D en version Cross-shore 2DV a été
implémenté sur la vasière intertidale étudiée avec une très bonne qualité des simulations des
processus hydrosédimentaires et des variations altimétriques. L’intégration de l’effet de la
bioturbation et de la régulation de l’érodabilité des sédiments a permis d’améliorer encore la
qualité des simulations. Un modèle de diffusion thermique a été intégré, testé et amélioré en
termes d’interaction avec la composition sédimentaire. Le modèle biogéochimique BLOOM a
été intégré également dans le modèle MARS3D avec une dynamique biogéochimique
saisonnière bien représentée. Le modèle prend en compte le rôle des bioturbateurs sur les
flux diffusifs, mais une perspective d’amélioration doit être envisagée pour mieux reproduire
les flux à l’interface eau-sédiment et l’assimilation du NH4
+ par le microphytobenthos en
surface. Enfin, le modèle de la production primaire microphytobenthique a été implémenté
dans le code MARS3D et fournit des simulations de la dynamique spatio-temporelle des
biomasses microphytobenthiques intéressantes, même si les flux sont encore sous-estimés
dans le modèle et les interactions avec la faune doivent encore être améliorées.
Au final, les très nombreuses données issues du projet PHARESEE et le modèle
associé serviront à comprendre et relier les nombreux facteurs influençant le fonctionnement
des vasières et leurs rôles écosystémiques essentiels – rôle physique, de régulation sur les
cycles biogéochimiques et rôle de productivité biologique et soutien au réseau trophique. Des
travaux de synthèse ont été engagés en particulier pour tenter d’expliquer le haut niveau de
productivité actuel du système en lien avec la bonne santé des espèces sentinelles (ingénieurs
d’écosystèmes) de la macrofaune benthique.< Réduire