L’innovation contestataire à l’épreuve de la brutalisation du maintien de l’ordre dans une métropole du Sud Ouest
Langue
fr
Communication dans un congrès
Ce document a été publié dans
17ème Congrès national de l’AFSP, ST 30 : L’innovation contestataire à l’épreuve de la comparaison, 2024-07-02, Grenoble. 2024-09-04
Résumé
Le mouvement social des Gilets jaunes qui s’étend de novembre 2018 à aujourd’hui, a bouleversé l’ordre manifestant habituel. Nous pouvons parler « d’innovation protestataire » pour plusieurs raisons. Tout d’abord, par la ...Lire la suite >
Le mouvement social des Gilets jaunes qui s’étend de novembre 2018 à aujourd’hui, a bouleversé l’ordre manifestant habituel. Nous pouvons parler « d’innovation protestataire » pour plusieurs raisons. Tout d’abord, par la combinaison de l’occupation de lieux – inédits - et de la manifestation régulière par Actes hebdomadaires, le mouvement social a contourné les espaces habituels de la manifestation et les a conjugué à d’autres sites. Ensuite, d’un point de vue substantif, les revendications s’ordonnent rapidement autour de la demande de justice socio-économique et d’une amélioration démocratique, auxquelles s’ajoutent la justice dans la transition écologique. Ainsi Les GJ s’inscrivent dans le cycle des mouvements anti-austérité mais ils ouvrent aussi un nouveau cycle contestataire en contexte de crise écologique. Troisièmement, la variété d’expression des revendications constitue une esthétique inhabituelle qui s’exprime sur des supports et via des canaux variés. Comment réinscrire ces innovations dans la forme et les modalités d’expression du mouvement social dans le processus long de « domestication » des foules contestataires ? Nous proposons ici d’apparenter ces ruptures dans l’ordre protestataire – où la manifestation est centrale mais pas l’unique élément du répertoire de l’action collective -, à une « féralisation ». Ce terme, parfois désigné comme « marronage » en zoologie comme en sciences humaines, désigne le processus de sortie de la domestication. Nous le préférons au terme « marronage », qui renvoie explicitement aux sociétés esclavagistes. Son usage est à mettre en contrepoint du processus de domestication, entendue ici comme la canalisation de la conflictualité sociale, autrement dit de sa domestication. Ainsi, il s’avère heuristique pour comprendre les continuités mais aussi les possibilités d’un ordre protestataire qui semblait avoir perdu de sa potentialité subversive et de son efficacité. La « féralisation » de l’action collective n’est cependant ni uniforme ni linéaire à l’échelle d’une contestation qui court sur plusieurs années et s’est étendue sur l’ensemble du territoire métropolitain et une partie des outre-mers. Les cortèges sauvages le disputant aux parcours déclarés à partir du mois de janvier 2019. A partir de ce concept, nous entendons ici contribuer à éclairer les conditions de « féralisation » de l’action protestataire et de sa domestication par un maintien de l’ordre implacable. En effet, à la mesure de la menace qu’ils représentent pour l’ordre politique et social, les Gilets jaunes ont marqué une l’inflexion majeure dans la gestion des foules protestataires. Cette gestion s’est accompagnée d’un volet judiciaire et médiatique formant un « triptyque de la répression » par la justice préventive, répressive et la dépolitisation (Codaccioni 2021). Amorcée dans les mobilisations écologistes et sociales des années 2010, la perception de la manifestation comme un désordre à prévenir, contenir et réprimer caractérise la « brutalisation du maintien de l’ordre » en France depuis décembre 2028 (Fillieule et Jobard 2020). La médiatisation des violences fut portée par des journalistes(Baisnée et al. 2022) et associations (Amnesty Internationale 2018), mais aussi, fait inédit en Europe, par des professionnels de santé et de soignants bénévoles(Victor 2022). Les médecins urgentistes ont souligné le caractère massif des blessures au visage(Lartizien et al. 2019), liées à l’usage des lanceurs de balles de défense(Fémy et al. 2023). Tandis que l’usage des gaz lacrymogènes dont la toxicité est connue de longue date(Feigenbaum 2018), fut rapidement pointé pour les dommages causés aux personnes exposées(Alexandre 2022). L’objectif de cette proposition est de rendre compte de ces innovations dans la réponse étatique à l’échelle d’une métropole du Sud Ouest qui fut un point de ralliement des Gilets jaunes mais aussi un lieu d’expérimentation de la « nouvelle doctrine du maintien de l’ordre » sur initiative du Ministre de l’Intérieur et du Préfet. La configuration locale constituée par les interactions des différentes parties, façonnée par les expériences qui précède et contrainte par l’espace physique, est le point d’observation le plus pertinent pour appréhender les effets des réponses autoritaires sur la participation. Il s’agit ici, à partir d’un matériau empirique organisé en différents corpus – presse, rapports, observations menées entre 2018 et 2023, entretiens, d’examiner d’une part les changements dans le maintien de l’ordre et d’autre part, la généralisation d’un dispositif de prise en charge des personnes blessées par des bénévoles. Ces Street Medics, apparus en 1968 aux Etats-Unis sont désormais un élément essentiel des cortèges dans les métropoles et dans les actions collectives écologistes où les forces de l’ordre sont déployées. Dans une recherche ethnographique menée entre 2018 et 2020, Perrine Poupin montre le caractère nouveau puis habituel de la présence des Medics auprès des manifestant.e.s comme des policiers, face à une vacance de la part des organisations de soin privées ou publiques (Poupin 2020). La généralisation de leur présence dans la métropole étudiée est à la fois un indicateur de la violence exercée à l’encontre des personnes participant ou attenantes aux actions. Elle est aussi un indicateur d’une circulation des savoir-faire militants entre différents mouvements sociaux qui renouvelle les formes de la participation politique contestataire. A la croisée de la réflexion sur les « répertoires d’action et innovation tactique » et sur les « Réponses de l’État et des partis à la contestation », nous proposons ici de réinscrire la présence des Medics dans la caractérisation d’un cycle de contestation, par la présence d’un acteur nouveau dans l’ordre manifestant identifié à la fin du siècle dernier (Favre 1990).< Réduire
Mots clés
mouvements sociaux
Gilets jaunes
politisation
clivages
valeurs et comportements politiques
Project ANR
Les Gilets jaunes : approches pluridisciplinaires des mobilisations et politisations populaires - ANR-20-CE41-0010
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Origine
Importé de hal