Les micro et petites entreprises de l'informel sénégalais face à la Covid-19. Les usages numériques dans la crise
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Rapport
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2023-07-11
Résumé
Résumé exécutif Contexte et objectif La crise de la Covid-19 a remis sur le devant de la scène la place prépondérante qu’occupent les écono-mies informelles en Afrique subsaharienne. Face au choc macroéconomique inédit ...Lire la suite >
Résumé exécutif Contexte et objectif La crise de la Covid-19 a remis sur le devant de la scène la place prépondérante qu’occupent les écono-mies informelles en Afrique subsaharienne. Face au choc macroéconomique inédit consécutif aux effets de la pandémie de la Covid-19 et aux mesures prise pour y faire face, l’informel ne semblent pas avoir joué son rôle contracyclique habituel. Des estimations générales précisent qu’au plus fort de la crise le nombre d'em-plois informels dans les PED a chuté de 20%, environ le double de l'impact sur l'emploi formel. Au-delà de ces statistiques globales, il reste nécessaire de documenter plus précisément les effets de ce choc sur l’emploi et les micro et petites entreprises (MPE) de l’informel. Car si ces activités sont souvent vues comme particulièrement vulnérables, elles présentent aussi un certain nombre de caractéristiques pouvant favoriser une relative flexibilité voire résilience en situation de crise. Ainsi en est-il notamment de la digitalisation des pratiques entrepreneuriales depuis une quinzaine d’années. Le téléphone mobile s’est en effet rapidement imposé comme imposé comme un outil de travail indispensable offrant de nouvelles possibilités pour ces unités de production informelles (coordination et paiement à distance, diffusion et promotion sur internet, etc.). Les spécificités de la crise de la covid-19 (confinement, distanciation sociale) auraient même favorisé une « grande accélération » dans les usages du numérique. Si une littérature récente aborde les effets du choc Covid sur les dynamiques entrepreneuriales et les usages numériques en Afrique, elle couvre toutefois très insuffisamment l’informel. Le présent rapport se propose alors d’explorer les usages numériques des MPE de l’informel de Dakar (Sénégal) face à la crise de la Covid-19. Terrain d’étude, données et méthodesAu Sénégal, la première vague de l’épidémie s’est déroulée de mars à septembre 2020 et la seconde de janvier à mars 2021. Des mesures de restrictions (couvres feux, restrictions à la circulation des biens et des personnes, fermeture des marchés, etc.) ont immédiatement été mises en place mais sous la pression des opérateurs économiques et des réactions sociales elles ont rapidement fait l’objet d’assouplissements. Si la situation en matière de restriction a ainsi plus été celle d’un « semi-confinement » et que la propagation du virus s’est finalement révélée moindre qu’attendu, l’impact macroéconomique et social a néanmoins été conséquent. Le PIB a chuté de 1,3% en 2020 et l’incidence de la pauvreté à Dakar est passée de 11 à 23%. A l’écart des politiques de soutien aux petites et moyennes entreprises, les MPE informelles ont donc continué à exercer en s’ajustant et subissant de sérieuses réduction de revenus. Ce rapport de synthèse s’inscrit dans le cadre du troisième projet de recherche issu du partenariat LAM-Orange qui depuis 2016 se donne pour objectif d’éclairer les usages numériques (téléphone mobile et inter-net) au sein de l’informel urbain à Dakar (Sénégal). Trois grandes fonctions du téléphone mobile sont plus précisément analysées (les usages de coordination marchande ; de paiement et financement – mobile mo-ney ; de gestion interne). Une originalité et un apport important du partenariat est la constitution d’une cohorte inédite de 500 établissements représentatifs de l’informel de la région de Dakar (Sénégal) que nous suivons depuis 2017. Nous disposons ainsi de trois points d’observation : 2017 (n=500), 2019 (n=328), 2022 (n=231). Des enquêtes quantitatives nous ont permis de collecter des informations détaillées sur les caractéristiques sociodémographiques des entrepreneurs, les caractéristiques et les performances de leur activité ainsi que leur équipement et leurs usages en matière de téléphonie et d’internet. Des entretiens qualitatifs ont également été menés. Afin d’étudier les usages numériques des entrepreneurs de l’informel Dakarois face à la crise de la Covid-19, trois hypothèses sont discutées dans le rapport. La première s’intéresse aux grandes tendances en ma-tière d’expansion des usages professionnels du téléphone mobile : les données confirment-elles une digitali-sation des pratiques entrepreneuriales entre 2017 et 2022 ? Ensuite, prenant appui sur les débats obser-vables au sein de la littérature, deux autres hypothèses concernent l’articulation entre le choc Covid et les usages numériques. L’une discute du rôle des pratiques numériques des entrepreneurs comme facteur de résilience face au choc. L’autre aborde le rôle du choc Covid en faveur d’une éventuelle accélération des usages digitaux. Les analyses produites reposent sur différentes méthodologies statistiques et notamment les outils de la statistique descriptive et multidimensionnelle mais aussi de la statistique inférentielle (ré-gressions linéaires, modèles à effets fixes) et quasi-expérimentale (modèle en double-différences). Toutes les analyses et comparaisons menées entre les trois années sont bien sûr conduites sur la cohorte commune des 231 entrepreneurs retrouvés en 2022.Principaux résultats Le premier résultat important du rapport est celui de l’expansion constante des usages professionnels du téléphone mobile au sein de l’échantillon étudié. D’abord, en termes d’accès, la quasi-totalité des entrepre-neurs interrogés sont désormais équipés d’un smartphone (89% en 2022 contre 68% en 2017). On observe ensuite des taux d’adoption des usages de coordination one to one qui arrivent presque à saturation avec une progression régulière sur la période : en 2022, 97% des entrepreneurs utilisent leur téléphone pour la coordination aval – avec les clients – et 87% pour la coordination amont – avec les fournisseurs (contre res-pectivement 91% et 70% en 2017). Plus intéressant encore, on note une augmentation de l’adoption ou l’intensification des usages du mobile les plus avancés. Le recours à internet pour des raisons profession-nelles fait l’objet d’une adoption croissante et concernent désormais 84% des entrepreneurs (contre 70% en 2019). La digitalisation des transactions monétaires n’échappe pas à cette augmentation dans la diffusion et l’intensification des usages avancés du mobile : en 2022, 63% des entrepreneurs utilisent le mobile money à des fins professionnelles de manière hebdomadaire (contre 26% en 2017). Nous observons aussi un essor significatif de l’usage du téléphone mobile à des fins de gestion interne de l’activité. Ces résultats se tradui-sent par des profils d’usagers qui se complexifient. Là où nous observions en 2017 près de 30% d’usagers simples, ils ne sont plus que 7,4% en 2022. Inversement les profils d’usages avancés des « entrepreneurs digitaux » représentent aujourd’hui près de 45% de l’échantillon contre moins de 22% en 2017. Le second résultat confirme que les usagers numériques semblent mieux armés pour faire face au choc. L’impact du choc Covid sur les unités de production informelles de Dakar a été manifeste : 36% ont fermé au moins quelques jours et 26% ont connu une fermeture de longue durée. La quasi-totalité d’entre elles décla-rent avoir connu une baisse drastique de leur activité (ventes et heures d’ouverture). Que cela soit du point de vue de la survie de l’activité, de la croissance de ses ventes, ou de la perception d’un retour à la normal des ventes après la crise, nos résultats soutiennent l’idée que l’appropriation croissante des technologies mobiles par les entrepreneurs informels de Dakar est un vecteur de résilience face aux chocs. Nous montrons notamment que les activités des entrepreneurs aux usages les plus avancés du numérique (« entrepreneurs digitaux ») ont une probabilité de survie de 20 points de pourcentage plus élevée que celles des entrepre-neurs aux usages simples. Le troisième résultat porte sur l’hypothèse de la « grande accélération » des usages suite au choc Covid. Tout d’abord, nos résultats montrent qu’il y a eu très peu d’adoption de nouvelles pratiques commerciales numériques pendant la crise. Seuls 7% des entrepreneurs ont adopté la vente en ligne alors qu’ils ne la pra-tiquaient pas auparavant. Les usages de base du numérique suivent la tendance de fond avec une diminution des usages avec le ralentissement de l’activité pendant la crise. Seuls les usages les plus avancés (internet pour vendre, mobile money) progressent et s’intensifient même pendant la crise. Un tel constat ne suffit pour autant pas pour confirmer la « grande accélération » car au même moment l’arrivée de Wave a aussi créer un choc d’offre important modifiant les pratiques numériques des usagers. Nous testons alors l’influence de l’effet « Covid » face à l’effet « Wave » sur les changements de pratiques numériques en ma-tière de coordination (adoption, intensité) et de gestion interne. Nos résultats montrent que le choc Covid n’a pas d’effet significatif sur l’accroissement de ces usages. Les changements observés en la matière se pro-duise au fil du temps, indépendamment du choc. En revanche nous observons que l’expansion des usages du mobile money joue un rôle important dans l’évolution de ces pratiques. Et, dans ce cadre, nous confirmons un effet d’offre liée à l’arrivée de Wave sur le marché. Limites et perspectives Dans l’ensemble, nos résultats attestent de l’impact considérable du choc Covid sur les MPE informelles de Dakar. A défaut de bénéficier des programmes de soutien gouvernementaux (seuls 12% ont bénéficiés d’aides pour leur entreprise), ces dernières ont dû s’ajuster et maintenir leur activité. Dans un contexte de digitalisation des usages que nos données confirment depuis 2016, le numérique semble participer d’une meilleure résilience pour les MPE informelles de Dakar. En revanche, la crise de la Covid-19 ne semble pas avoir joué pour le moment un rôle catalyseur ou accélérateur comparativement à des effets d’offre plus classiques (arrivée de Wave). Evidemment nos analyses présentent certaines limites. Du fait de l’attrition, nous n’observons que des survivants, probablement les mieux armés pour évoluer tant dans leurs usages numériques que dans les performances de leur activité. La taille réduite de l’échantillon ne permet pas non plus d’affiner l’analyse pour mieux tenir compte de l’hétérogénéité intrinsèque de l’informel (distribution des effets par secteurs d’activités ou selon les caractéristiques sociodémographiques des entrepreneurs). Toute-fois, nos résultats invitent à poursuivre de tel recherche en données de panel sur de plus larges échantillons. Une autre piste de recherche consiste à croiser les résultats issus d’enquêtes de terrain avec ceux issus de base de données d’opérateur.< Réduire
Mots clés
Micro et petites entreprises
Informel
Usages numériques
Covid-19
Sénégal
Origine
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