Pratiques et représentations induites par la mise en banque de la part ontologique informationnelle du vivant
Langue
fr
Communication dans un congrès
Ce document a été publié dans
Biobanques : Quelles reconfigurations pour le vivant ? Approches interdisciplinaires et comparatives, 2016-05-12, Paris.
Résumé
Nous nous proposons dans le cadre de l’appel à communication de traiter le cas des banques de données biologiques et en premier lieu les banques de séquences génomiques comme "cas limite" de biobanque. Une définition ...Lire la suite >
Nous nous proposons dans le cadre de l’appel à communication de traiter le cas des banques de données biologiques et en premier lieu les banques de séquences génomiques comme "cas limite" de biobanque. Une définition informationnelle du vivant, formulée de manière simple par Bernd-Olaf Küppers comme life=matter+information, implique que ce que stockent et distribuent les banques de données de séquences génomiques est une part ontologique du vivant. Il nous semble possible de montrer en quoi et comment les processus de socialisation et de reconfiguration du vivant évoqués ou suspectés dans l’appel sont particulièrement opérants dans le contexte de la mise en place et de l’utilisation de ces bases de données. Bien que n’étant pas couvert de façon explicite par l’appel à communication, cet aspect nous paraît pouvoir être utile pour éclairer l’économie de l’usage des biobanques matérielles. On s’attachera à décrire à partir de cas généraux et particuliers (comme utilisateurs fréquents de ces ressources), les modifications des pratiques et des représentations induites par l’existence de ces banques. La socialisation du vivant qui s’opère à travers ces ressources est accentuée par l’absence de restrictions dans leur accès. Toute l’information est accessible, à tous, en tout lieu (connecté), à tout moment, instantanément et gratuitement. Le champ sémantique induit une confusion ici, puisque dans ces banques la restriction s’établit au dépôt, mais pas au retrait de l’information. Pour l’utilisateur, le contenu de ces banques est néanmoins associé à une notion de valeur et cette valeur participe à la reconfiguration du vivant. Nous tenterons aussi à partir de notre propre expérience, qui s’inscrit dans le temps qui a vu l’émergence et la croissance exponentielle de ces ressources, de décrire les modifications de pratiques et de représentations. On dira que les techniques de synthèse de gènes permettent (pour des coûts désormais dérisoires) de "reconstruire" du matériel biologique à partir de ces ressources et ainsi de court-circuiter, pour certaines approches, le recours aux biobanques "matérielles" ou le prélèvement en milieu naturel. On produit de cette façon, une discontinuité dans la reproduction du vivant, dont il nous apparaît qu’elle présente un fort contenu métaphorique. Ce bateau de Thésée qu’on introduit dans le laboratoire n’a plus de lien matériel avec la source d’origine, mais est uniquement déterminé par le texte (l’information génétique dématérialisée récupérée dans la banque). Consciemment ou non, nos représentations du vivant sont sous-tendues par des hiérarchies entre espèces liées à leur impact économique et biomédical ou à leur contenu imaginaire et symbolique. Nous pensons que pour l’usager des banques de données quelque chose de la valeur des espèces est déterminée par la présence ou l’absence de leur génome dans les banques. Dans le même ordre d’idée, cette présence/absence participe à la visibilité des espèces ou des phyla. La présentation graphique et informatique unifiée des génomes dans les banques introduit une sorte de nivellement des hiérarchies imaginaires entre espèces. Cette reconfiguration n’est pas opérante seulement au niveau imaginaire. En effet, les programmes métagénomiques rendent visibles des micro-organismes non-cultivables qui ainsi ne deviennent appréhendables qu’à travers la présence de leurs séquences dans les banques. L’avènement du séquençage génomique s’est accompagné du fantasme scientifique selon lequel l’établissement de la séquence complète d’un organisme permettrait de le connaître. La classique analogie livre/génome y est pour beaucoup. Ce fantasme survit contre l’évidence scientifique dans l’ère post-génomique, de sorte que le statut des organismes comme entièrement séquencé ou non, participe à déterminer leur part de mystère et donc leur place dans notre imaginaire. Pour une génération de biologistes moléculaires, l’approche réductionniste a constitué un cadre fécond et rassurant. Même avec un vivant cellularisé et même molécularisé, dans le cadre de ce que les Anglo-saxons nomment wet-lab, le lien matériel, esthétique avec le vivant n’était pas totalement rompu. À présent, de très nombreuses questions biologiques se posent et se résolvent dans un espace numérisé immatériel. Les banques de données sont un outil en biologie dont la puissance laisse beaucoup d’utilisateurs hébétés et comme incrédules et illégitimes devant la richesse de leur récolte. Il nous semble que la pratique de cette a-biologie induit une intranquillité et de nouvelles présentations et représentations du vivant, pour le scientifique et par ricochet pour chacun d’entre nous.< Réduire
Mots clés
Biobanques
Réflexivité
Biologie philosophique
Arts et sciences
Origine
Importé de halUnités de recherche