Médialités biographiques de la pratique scientifique
Langue
fr
Communication dans un congrès
Ce document a été publié dans
Colloque international La recherche biographique en situations et en dialogues : enjeux et perspectives, 2019-10, Paris.
Résumé
Notre vie est à l'origine de notre pensée. Elle nous donne notre légitimité à dire le monde parce qu'elle nous y inscrit de fait. Elle est la source de nos interrogations et la matrice de nos catégories de pensée. Dans une ...Lire la suite >
Notre vie est à l'origine de notre pensée. Elle nous donne notre légitimité à dire le monde parce qu'elle nous y inscrit de fait. Elle est la source de nos interrogations et la matrice de nos catégories de pensée. Dans une sorte de mise en abyme, nous proposons de discuter la place du biographique dans la pratique scientifique. Si l'activité scientifique consiste à tendre vers un « procès sans sujet », les savoirs produits contiennent une dimension subjective, consciente et inconsciente, qui se nourrit de et en même temps sous-tend la biographie du sujet épistémique. Faire de la science suppose une attitude déterminée, un effort continu, un travail. Au fond, on entre en science un peu comme on entre dans les ordres. On cherche la lumière, on avance d'un éclairage – sur le monde et sur soi – vers un autre, et c'est dans la retenue vis-à-vis de la narration de soi, dans la maîtrise de l'expression de ses affects comme de ses désirs, dans la forme que prend dans le discours l'invisibilisation de soi, qu'on se dirige vers la Science. Or, il n'y a pas de savoir scientifique sans sujet épistémique, ni sans sujet tout court, donc sans réflexivité, sans travail sur soi, sans biographie du sujet-cherchant.Dans le cadre du projet scientifique de l'UMR Passages, j'anime depuis 2016 un séminaire sur les présentations poétiques du monde. Il a pour objet le sujet-cherchant et son rapport au monde. Au cours de mes recherches sur la lecture à voix haute, j'ai appris que, pour que les auditeurs trouvent un sens à la lecture, il faut que le texte passe par, au travers du lecteur, par son intériorité, mais sans expression d'émotion. Le lecteur fait un travail, en amont de la lecture, où il ranime des expériences passées, incorporées, sensibles, émouvantes, parfois douloureuses, en rapport avec le texte. Par une mise en images, le lecteur met à distance cette sensibilité première mais nécessaire dans le premier temps et peut alors interpeler son auditoire, lui transmettre du sens à travers un texte qu'il a ainsi fait sien. La proposition que le lecteur fait au public est une présentation poétique du monde, où poétique est à comprendre ici dans une dimension créative, de façonnement, contenant la continuité, la complexité à la fois de son monde et du contexte de la lecture, du rapport lecteur-texte-public-lieu. De façon similaire, le sujet-cherchant livre un discours à son auditoire ou à son lectorat sur un objet choisi et appréhendé à partir d'une formation, de lectures, d'un cadre académique, d'un terrain, et à travers une histoire et un vécu personnel, sensible, tout ceci impliquant toute sa personne, imprégnée d'expériences de vie et de connaissances, c'est-à-dire une personne à la fois singulière, une et ordinaire. C'est dans la forme que prend la résistance de cette unité du sujet-cherchant que réside le poétique, dans la constitution de soi comme de son effacement.Au-delà de leur enjeu épistémologique, ces travaux sont menés dans une perspective éthique. Prendre conscience du poétique en science, en témoigner et en rendre compte contribue à l'humanisation de la science et de ses travailleurs.< Réduire
Mots clés
Pratique scientifique – sujet épistémique – réflexivité – récit autobiographique – poétique
Origine
Importé de halUnités de recherche