Communication organisationnelle et logiques d'acteur en mode projet. Du modèle entrepreneurial à la gouvernance publique
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Résumé
Contexte: Depuis une trentaine d’années (1980) et plus particulièrement depuis une dizaine d’années (2001 LOLF – Loi organique relative aux lois de finance), de nombreuses et profondes réformes touchent l’action publique. ...Lire la suite >
Contexte: Depuis une trentaine d’années (1980) et plus particulièrement depuis une dizaine d’années (2001 LOLF – Loi organique relative aux lois de finance), de nombreuses et profondes réformes touchent l’action publique. L’ambition est de la rendre plus efficace dans un contexte de crise avérée (1994, 2008). Université, hôpitaux, police, La Poste, France Télécom et bien d’autres illustrent sur la scène médiatique l’ampleur de la mise en place de ce nouvel esprit de l’action publique, expression qui fait écho au livre de Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le nouvel esprit di capitalisme. En effet, certains économistes parlent même d’approche néo libérale de l’Etat sur la base de constats et de réformes contestés : l’Etat peut être géré comme une entreprise, ce qui motive le foisonnement des réformes dans le sens d’un retrait relatif de l’Etat déjà en passe de décentralisation depuis une trentaine d’années, mais pourtant très interventionniste (santé), reste relatif. En effet, si l’Etat concède en autonomie, il régule et contrôle davantage. La culture d’entreprise, la culture de métier, en d’autres termes la culture au travail s’estompe, et c’est un euphémisme, au bénéfice d’une culture du résultat empreinte de la mise en place d’objectifs quantitatifs, d’évaluations, d’indicateurs de performance dans le service public.Le cloisonnement hiérarchique de l’action de l’Etat caractérisé par un respect lent et sinueux des procédures est reconsidéré à l’aune d’un pilotage qui optimise le rendement, donc la rapidité des circuits de communication et de décision de l’action bureaucratique. Le respect des procédures n’est plus prioritaire, mais le résultat et l’efficience prévalent. Le Nouveau Management Public (NMP), reconnu comme principe économique émerge d’abord dans les pays anglo-saxons (Angleterre, M. Taecher, Mr Blair) alors et inspire nos travaux de recherche pour la France.Un double constat de l’action publique s’impose : la relation hiérarchique est transformée car les agents sont vivement engagés à gagner en autonomie pour ensuite faire l’objet d’une évaluation par un renforcement des mécanismes de contrôle. Le paradoxe de l’autonomie du sujet et de la régulation est ici central. Des petites entités (unités) organisées autour de missions (créations d’agences spécialisées, sous-traitances, experts, partenariats publics/privés) voient le jour et cet agrégat converge vers un objectif commun malgré une redistribution des responsabilités. Ce constat rappelle le mode de pilotage par projet à l’œuvre dans les entreprises. Points qui est notre problématique de recherche depuis une dizaine d’années et nous engage à faire le lien entre service public et modèle entrepreneurial. Y a-t-il vraiment une débureaucratisation de l’action publique ou la coordination de l’action de régulation et de contrôle engage-t-elle vers plus de lourdeur ? Portraits de l’acteur chercheur et cadre de l’étude du projet: Les analyses stratégiques des acteurs sont multiples : de l’individu actif, rationnel et stratège, à bien d’autres postures où l’acteur agit en fonction de contraintes, etc. On doit à Michel Crozier (Crozier, Friedberg, 1977) puis, entre autres, à Raymond Boudon (avec sa théorie du choix rationnel ou de l’individualisme méthodologique, 2001), une redéfinition du concept d’acteur. L’individu est libre et capable de considérer les situations qui l’entourent dans un ensemble de systèmes pour prendre ses décisions. Selon Raymond Boudon, il agit parce qu’il pense que son action a un sens pour lui. L’analyse des courants britanniques et américains montre que l’acteur-chercheur appuie ses recherches sur le terrain. Il utilise une méthodologie interprétative et ses résultats sont qualitatifs (courant de recherche collaborative de l’Interactive Research and Development Projects). Il a le visage d’un conseiller plus que celui d’un puits de sciences. Une autre conception américaine des années 1990 (Lomax, McNiff, 90 : 3) est que l’acteur chercheur vise à améliorer ou à capitaliser son activité. Un courant plus central envisage l’existence d’un projet commun d’accompagnement du changement (aussi appelé conduite du changement ou pilotage de l’innovation et qui repose sur la participation, la formation et la communication), option que nous retenons pour notre posture méthodologique (Argyris, 1982 ; Dumont, 2010 ; Jacques, 1951 ; Lewin, 1958 ; Viardot et al., 2005). Le changement organisationnel peut se définir comme le résultat de programmes et de mesures qui visent à modifier des structures, des modalités de fonctionnement et des mentalités dans le but de renforcer l’équilibre d’une organisation donnée. La prise en compte des représentations sociales comme professionnelles peut alors jouer le rôle de levier de changement pour procéder à un réel arbitrage qui repose sur la délibération concertée. Toutefois, en l’état actuel de ces structures, cette délibération concertée demande à être conquise.Dans le prolongement de nos travaux menés durant notre thèse en Sciences de l’Information et Communication à l’UHB Rennes 2 de 1998 à 2000, nous proposons une lecture de l’organisation en référence à son histoire pour faire face au désenchantement incarné par les tentatives gestionnaires de contrôle et productivité. Ce constat nous conduit à mener une réflexion sur le lien social en mode projet, ses modalités d’activation ou de délitement, son actualité et ses enjeux en redonnant sa place au Sujet. En effet, aux communautés pérennes (syndicats, corporations, associations en lien avec les cultures et identités au travail) se substituent, entre autres, des groupes projet par définition éphémères et atypiques dans leur identité, culture, rapport hiérarchique, temporalité et mode transversal.Cette analyse historique nous conduira à dresser le constat du glissement partiel du modèle organisationnel entrepreneurial vers les institutions avec l’émergence d’un dénominateur commun : le projet, qu’il soit participatif ou simplement l’expression démocratique de suffrages fédérateurs. Notre objet d’étude porte donc sur la transition en matière de gouvernance publique vers un management de projet. Nous traiterons cet objet d’étude sous l’angle communicationnel des apprentissages organisationnels et du travail collaboratif, voire coopératif dont il est porteur et enfin analyserons ses modes de régulation, chemin d’accès à nos futures recherches annoncées en conclusion de ce document sur la théorie des conventions comportementales appliquée à la communication organisationnelle. Notre questionnement central est d’identifier en quoi la logique projet constitue la forme organisationnelle la plus citoyenne, voire durable, pour assurer la participation à la sphère publique.Ce document est composé de deux parties complémentaires. En effet, ce plan ne revendique pas une approche comparative, mais une lecture croisée. L’approche comparative n’aurait, à ce jour et selon nous, pas de consistance scientifique, car elle ne s’appuierait que sur des données fragmentées et expérimentales, dénuées de retour d’expériences et de soubassements théoriques suffisants. Nous examinons dans ce document, l’évolution de la problématique, tant en termes de changement organisationnel que de contextes différents d’émergence (entreprises, institutions, administrations, collectivités). La posture de recherche-action traverse cependant l’intégralité de nos travaux, que ce soit pour la collecte de données (interview en entreprise), ou encore pour l’enquête de terrain et l’immersion (emploi de consultant en histoire d’entreprise et gestion des connaissances), voire l’observation participante (conseil de quartier, concertation).C’est pour l’ensemble de ces raisons que la première partie fait un état de l’art du mode projet organisationnel tel qu’il est le plus communément connu et admis en entreprise. Partie qui offre une analyse de l’objet d’étude en situation (dans l’entreprise). Notre recherche repose ici essentiellement sur la base d’un socle théorique dont les contours sont délimités entre les années 1960 et 2011 (période qui correspond à l’émergence disciplinaire de la Business History, de la gestion des connaissances, de l’organisation projet et des Sciences de l’Information et de la Communication). Nous expliquons en quoi le maillage de ces champs disciplinaires investit un même objet d’étude, à savoir le projet en SIC. Cette première partie n’est que peu émaillée d’exemples de terrain car nous avons davantage opté pour une approche croisée de plusieurs théories. Travaux qui corroborent ou infirment notre hypothèse qui considère le projet comme concept de la communication organisationnelle valorisant l’autonomie du Sujet et suggérant un mode transversal de management adaptable à d’autres contextes que l’entreprise. Dans une seconde partie, nous avons, a contrario, dédié le traitement de la problématique à une approche empirique. La Ville de Bordeaux, et plus particulièrement, les projets urbains, sont les exemples qui soutiennent notre hypothèse d’adéquation entre le mode projet en entreprise et en collectivité publique. Nous abordons la dynamique organisationnelle au prisme du travail collaboratif et des espaces de concertation dans l’action publique. Nous partons du postulat que les organisations publiques sont en mutation et s’orientent vers un management public. L’expression management public remonte aux années 1970 (Gibert, 2004). Aussi, l’approche conceptuelle reste encore peu fournie en références et ce sont souvent les théoriciens des sciences de gestion qui la définissent en s’appuyant sur le modèle entrepreneurial. C’est l’une des raisons qui retient notre intérêt pour orienter nos recherches à venir.Nous investissons cet objet d’après l’état de la littérature inhérent au cadre conceptuel français de Laurent Zampiccoli (2011). Ce dernier croise diverses définitions du management public qui convergent (Aktouf, 1989 ; Bartoli, 1997 ; Thiétart, 1999). En effet, toutes considèrent le management public comme un ensemble d’actions dans une organisation publique répondant à des méthodes et devant atteindre des objectifs avec une planification et un contrôle. Cette définition, que nous considérons comme très normative, est de surcroît complétée par l’ambition d’une gouvernance qui passe par l’allocation de ressources pour mener à bien des « séries d’activités intégrées et interdépendantes » (Aktouf, 1989). Force est de constater que l’on est ici très proche de la définition du mode projet, d’où notre intérêt pour ce modèle hybride. D’un point de vue communicationnel, tient-il compte des particularités publiques en termes de communication des organisations publiques et quelle est sa dynamique collective (Gardère, Lakel, 2008) ? Laurent Zampicolli (2011 : 3) apporte un élément de réponse à notre questionnement lorsqu’il précise que « Le premier critère de distinction consiste en la prise en compte, ou non, de la dimension publique de l’organisation. De manière caricaturale, cette dimension publique se rapprocherait de la notion juridique de droit public, que l’on oppose au droit privé. Ce que Chevallier (1997) qualifie de cadres axiologiques (intérêt général s’opposant à l’intérêt privé) et pratiques (opposition entre droit public et droit privé) sur lesquels l’action publique repose. Cela se traduit par la prise en compte, ou non, de particularités inhérentes aux organisations publiques. Ainsi, le fait de considérer ou non les organisations publiques comme des organisations particulières permet d’opérer une segmentation entre deux types d’approches. D’une part, des approches qui en font des organisations comme les autres. Le management d’une organisation publique serait le même que celui d’une organisation privée. Les fonctions, outils et méthodes du secteur privé pouvant s’appliquer au secteur public. D’autre part, des approches qui opèrent un distinguo entre les organisations privées et publiques dans la mesure où un ensemble de caractéristiques empêcherait toute assimilation, toute superposition ». C’est sur la base de cette distinction d’ordre juridique et gestionnaire que nous envisageons de poursuivre nos travaux à venir en Sciences de l’Information et de la Communication. Nous veillerons toutefois à rester prudente face aux migrations de théories et concepts entre l’organisation privée et le secteur public. Bien que Pettigrew (1997) considère cette posture comme académique, nous n’y adhérons que partiellement, c’est-à-dire que nous ne mobiliserons que l’approche communicationnelle de la conduite du changement, du projet, des dynamiques collectives et des logiques d’acteurs. Nous n’entrerons pas dans des considérations relatives aux réformes, au caractère gestionnaire assorti des réductions des coûts, d’efficacité, d’efficience et de rentabilité (Pettigrew, 1997). Nous restons aussi extérieure aux thématiques en lien avec la privatisation, voire l’externalisation, même si « avec l’imprégnation des valeurs du privé dans la sphère publique, le statut d’usager qui marquait la spécificité de la relation entretenue avec le public tend à s’effacer derrière la transposition du rapport plus banal de clientèle » (Chevallier, 1997). Nous identifions notre champ de recherche en référence à une lecture à quatre entrées du concept de management public (Zampiccoli, 2011 : 4) en n’en retenant qu’une. La première entrée concerne le management des organisations publiques (réformes) ; la seconde est dédiée au management de la puissance publique (outils gestionnaires et de contrôle) ; la troisième est spécifique au management du pouvoir politique (stratégie et politique tarifaire) ; et la dernière ouvre la voie à nos futurs travaux, celle du management face à l’opinion (Laufer et Burlaud, 1980). Dans cette conception, le « management public au sens large est ce que devient le management lorsque le public prend conscience de l’effet de l’action de l’organisation sur son environnement économique et social. Dès lors, les entreprises privées et publiques peuvent faire du management public […] Le management public (…) concerne aussi bien le secteur privé que le secteur public » (Laufer, Burlaud, 1980). « Pour ces auteurs (1997), cette conception du management public issue de l’histoire de l’entreprise privée s’applique facilement au secteur public. Le management public est alors ce que devient la gestion de l’organisation publique lorsque celle-ci connaît une crise de légitimité, c’est-à-dire, lorsque les normes juridiques du critère du service public (et les normes scientifiques positivistes correspondantes) ne suffisent plus à assurer la légitimité du secteur public. Le management public n’est donc pas le management du secteur public mais le management face à l’opinion publique qui, dans une démocratie, représente l’instance ultime de légitimation. Ainsi, il ne s’agit pas tant de développer une dynamique visant la transformation de l’organisation mais plutôt de trouver des objectifs légitimes et de produire un modèle de management qui puisse être accepté par l’opinion publique » (Zampiccoli, 2011 : 6).Nous constatons que la perspective de la recherche que nous proposons s’appuie largement sur nos travaux antérieurs en termes d’histoire d’entreprise, de culture, d’image et de prise en compte de la dimension démocratique et citoyenne dans les projets. Nous prendrons également en considération l’approche réflexive de cet objet d’étude. En effet, le pilotage de projet dans le secteur public peut, à l’inverse, nourrir la réflexion en entreprise, voire les théories sur la conduite du changement et les jeux d’acteurs (Pariente, 1998, Laufer, 1984). Nous poursuivrons, au terme de cette Habilitation à Diriger les Recherches, la recherche-action en investiguant des terrains, soit avec l’ambition d’une approche comparative, auquel cas nous enquêterons dans d’autres villes sur les mêmes projets (Lyon, Nantes, Rennes), soit nous nous diversifierons en tournant nos travaux vers d’autres secteurs. La théorie des conventions sous l’angle comportementale dans les projets avec la transition du mode projet dans l’entreprise à l’espace public, l’ensemble étudié en Sciences de l’Information et de la Communication restant notre fil conducteur réflexif.Les travaux de Jean-Pierre Nioche et de Jean-Claude Tarondeau sur les stratégies d’entreprise face aux réglementations publiques devraient contribuer à fixer le cadre de nos recherches tout en conservant notre intérêt pour la coopération qui se manifeste dans la théorie des conventions « par l’assouplissement et l’adaptation du discours délivré par la convention en place, celle-ci peut recadrer son contenu afin de répondre aux nouvelles demandes, retirant ainsi quelques attraits à l’alternative. En effet, certains travaux traitent de la comparaison entre les entreprises françaises publiques et privées face aux exigences du développement durable (Marais, 2007), thème porteur de projets. Ils font apparaître la convergence ou divergence entre les deux modèles en termes de gouvernance, communication, dynamique d’acteurs et stratégie sur objectifs mis en parallèle avec la mission de service public face à des règles officielles sur l’environnement. Le postulat étant que l’entreprise privée est tenue à une relation de type produits-marché, tandis que l’entreprise publique est « contrainte à conserver les mêmes clients et les mêmes produits de base » (David, 2006) tout en assurant une mission de service public étant entendu comme se souciant du capital collectif physique, capital humain et capital social de l’usager citoyen (Bartoli, 1997). Le pilotage s’en verra impacté. Les différences sont significatives, pourtant, les résultats d’enquêtes (2007), montrent que depuis 2003, les différences s’amenuisent avec les réformes et législations (ex : loi NRE en 2003). EDF-GDF ou encore France Telécom sont au cœur des résultats de cette étude en termes de stratégie des ressources humaines, d’approche concurrentielle, de politique industrielle).La convention peut s’ajuster en concédant une partie de son territoire à la convention adverse (Amblard, 2003 : 154). Bien que se maintenant par un consentement collectif, elle reste un équilibre évolutif, voire spéculaire ou alternatif au gré des interactions, s’agissant d’un ordre où « les acteurs, leur liberté et leur rationalité, leurs objectifs et leurs besoins sont des construits sociaux et non des entités abstraites » (Crozier et Friedberg, 1977 : 55) dans le respect d’une approche de sociologie de l’action organisée. Nous encourons toutefois le risque, en mobilisant la théorie des conventions, de confondre la dynamique même de la convention « reposant sur la capacité de l’acteur à s’approprier les règles collectives auxquelles il participe pour les orienter dans une direction qui lui est plus favorable » (Amblard, 2003 : 140) avec le côté structurant et extérieur de la convention qui échappe à l’individu dans un espace normé. Pour nous en prémunir, nous étudierons plus en profondeur la régulation conjointe évoquée plus haut dans cette conclusion. La réglementation publique et les interactions étant les deux facteurs principaux de l’approche alternative de la théorie des conventions, la prévisibilité des réactions des individus, la légitimité du pouvoir qui produit la règle et la performance de la règle sont les trois facteurs qui orienteront nos travaux communicationnels au niveau exogène. Au niveau endogène, nous distinguerons la dissidence (choix d’un groupe de se conformer ou non la convention), la dissonance (inadéquation entre le discours, le contexte et la convention) et l’intention stratégique (influence des acteurs sur le territoire de la convention). Ces états nous conduirons à mobiliser la coopération pour ajuster la convention à l’évolution du contexte endogène ou exogène, la situation de crise ou de résistance au changement. Autant de points abordés dans le pilotage de projet en tant que mode organisant.< Réduire
Mots clés
Gouvernance Publique
Théorie de la régulation sociale
Nouveau management public
Action publique et politiques publiques
Mots clés en anglais
Governance System
Management Team
Performance
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