« Les cuisiniers de Buhonga : le vivier élitaire des travailleurs de maison à Bujumbura »

Abstract

Les recherches menées dans le cadre du projet Suburbu (Jeune équipe associée à l'IRD : Subsistance urbaine et mobilisations du travail au Burundi, XXe-XXIe siècle) ont permis de mettre en lumière la diversité des situations de domesticité dans les villes burundaises. À Bujumbura en particulier, elles ont permis de distinguer, suivant des lignes de séparation recoupant surtout des générations et des origines régionales différentes, plusieurs groupes d’employés de maison dont les salaires, les réseaux d’entraide, les conceptions de l’activité, les mobilisations et les ambitions d’avenir sont loin d’être identiques. Parmi ces groupes (si l’on peut parler de « groupes ») émerge celui qu’on appellera des « cuisiniers de Buhonga », dont on peut affirmer qu’ils constituent l’élite des domestiques dans la capitale économique, au service de l’élite urbaine… Disons tout de suite qu’ils ne sont pas tous originaires de Buhonga à proprement parler, ni tous seulement cuisiniers (ils s’occupent aussi, comme tous les domestiques, du ménage, des lessives et du repassage…), mais l’appellation recoupe néanmoins la réalité d’une spécialisation professionnelle et d’une origine commune sur les flancs des collines surplombant la ville (Bujumbura-Rurale), à proximité de la paroisse Buhonga.Cette communication, basée sur des lectures et des entretiens avec des travailleurs rencontrés dans les cuisines et les arrière-cours des maisons huppées de Kiriri et Rohero, ainsi que dans les résidences de certains diplomates, reviendra sur l’histoire de ce groupe de travailleurs recherchés à Bujumbura, dont les capacités d’entraide, de résistance aux pressions salariales et politiques, et les ascensions sociales, forcent à regarder d’un autre oeil les perspectives de développement et de mobilisation des travailleurs domestiques. Il sera aussi question de leur fierté affichée, en complète contradiction avec les désirs d’évasion des jeunes ruraux qui se retrouvent, contre leur gré, dans des positions subalternes et qui leur semblent sans issue une fois arrivés en ville.