Occultation et stigmatisation du genre féminin dans les recherches et politiques de santé publique liées aux drogues. Enjeux méthodologiques autour de la construction d’un savoir et de la recherche ethnographique sur une population invisibilisée
Langue
fr
Communication dans un congrès avec actes
Ce document a été publié dans
Colloque international "Ignorance scientifique, ignorance de genre ? La construction genrée des problèmes de santé publique", 2021-12-10, Rennes.
Résumé
Les usages de drogues féminins sont moins bien connus que ceux des hommes. Malgré la féminisation des usages de drogues en France ces dernières décennies (Legleye et al., 2009), les échantillons des recherches sur les ...Lire la suite >
Les usages de drogues féminins sont moins bien connus que ceux des hommes. Malgré la féminisation des usages de drogues en France ces dernières décennies (Legleye et al., 2009), les échantillons des recherches sur les drogues continuent à être composés majoritairement d’hommes et les files actives des structures de soin ne comportent en moyenne que 20 à 30% de femmes (Hautefeuille, 2013). Pourquoi et comment les femmes insérées socialement ont été ignorées dans les recherches, politiques de santé publique et dispositifs de prise en charge, et comment récolter des données pertinentes sur les femmes usagères de drogues ? Cette communication est issue d’un travail de thèse en cours, et se base sur 94 entretiens réalisés avec des femmes usagères-revendeuses et des hommes usagers-revendeurs insérés socialement, des professionnels socio-sanitaires et des acteurs et experts des politiques publiques liées aux drogues à Bordeaux et Montréal. L’usage de drogues devient un problème de santé publique avec l’épidémie de VIH dans les années 1980, ce qui génère une focalisation sur les usagers marginalisés, dépendants et consommateurs de drogues par voie injectable. Les usagers insérés qui gèrent leurs consommations font l’objet d’une ignorance sélective (Proctor et Schiebinger, 2008) répondant à des enjeux politiques. Avant le SIDA, les femmes consommatrices de drogues constituent un impensé scientifique et sont ignorées du fait d’un désintérêt scientifique sur la question du genre. À partir des années 1980, le genre va être pris en compte mais de manière stigmatisante : les femmes usagères de drogues vont être considérées uniquement à travers les prismes de la maternité ou du travail du sexe, du fait des risques de transmission du VIH aux nouveaux nés ou aux clients. Cette ignorance sélective invisibilise les femmes en tant qu’individus, et produit de l’ignorance : on sait très peu de choses sur les pratiques et trajectoires des femmes consommatrices, plus encore quand elles sont insérées socialement. Il est donc nécessaire de joindre des femmes insérées qui ne fréquentent pas les dispositifs de prise en charge en mobilisant l’effet boule-de-neige et des méthodes de netnographie (Kozinets, 2010), ce qui implique de nouer des liens de confiance avec des femmes consommatrices. Accéder à cette population cachée permet de mesurer les conséquences sanitaires de l’ignorance scientifique, qui génère des obstacles au soin, des jugements et de la stigmatisation. La fabrication des savoirs officiels est corrélée à la fabrication d’ignorance (Henry, 2021) et à des enjeux de contrôle social. Il importe de prendre en compte le genre de manière non stéréotypante pour produire des politiques de santé gender transformative (Pederson, Greaves et Poole, 2014).< Réduire
Mots clés
politique de santé publique
drogues
genre
femmes
usagères de drogues
recherche ethnographique
Origine
Importé de hal