Les échanges informels des enseignants. Entre trajectoires individuelles et exercices situés en lycée, quelles fonctions, quels effets ?
Langue
fr
Thèses de doctorat
Date de soutenance
2021-12-06Spécialité
Sciences de l'éducation et de la formation
École doctorale
École doctorale Sociétés, politique, santé publique (Bordeaux)Résumé
La dimension collective du travail des enseignants constitue une notion très présente dans les préconisations institutionnelles ou politiques, comme dans nombre de recherches en sciences de l’éducation et de la formation. ...Lire la suite >
La dimension collective du travail des enseignants constitue une notion très présente dans les préconisations institutionnelles ou politiques, comme dans nombre de recherches en sciences de l’éducation et de la formation. Selon le cadre, le "travail collectif" peut renvoyer à de multiples formes de "travail ensemble" : construire ou partager des ressources, coanimer un cours, se réunir… Cette notion polysémique est cependant souvent associée à des définitions excluant a priori les échanges informels, conversations fortuites entre pairs concernant ou non leur activité professionnelle. Nous nous intéressons précisément à ce type de communication, qui nous semble s’inscrire pleinement dans la dimension collective de l’activité. Nous interrogeons ainsi la place, la fonction, les effets des échanges informels entre enseignants dans leur travail au quotidien, et plus particulièrement dans le contexte des lycées d’enseignement général et technologique français. Un développement autour du concept large de travail a permis d’en aborder, de façon générique, différents niveaux de complexité révélant des articulations sensibles entre acteurs, objets, processus, à plusieurs échelles, en particulier dans le cas des activités relevant du domaine des services. Le travail enseignant a ensuite été plus particulièrement étudié. Le métier, parfois qualifié d’impossible en ce qu’il n’atteint jamais complètement ses objectifs, est aussi soumis à des attentes individuelles et sociales fortes. L’activité enseignante s’inscrit ainsi dans un réseau de tensions et de paradoxes : entre contraintes organisationnelles, institutionnelles et marges de libertés effectives ; entre routine et imprévisibilité ; entre le goût d’une discipline et son deuil nécessaire ; entre valeur pour soi persistante du métier et dégradation de son statut social ; entre regrets et résistances face au travail ensemble ; entre promotion du collectif, faiblesse des moyens déployés, et division cellulaire traditionnelle du travail… Notre enquête de terrain, à partir d’entretiens (23 enseignants, trois proviseurs) complétés par un questionnaire exploratoire et un outil d’auto-relevé des échanges (respectivement 128 et 12 individus), a révélé différents types d’échanges informels et de fonctions associées. Les échanges concernant le travail peuvent porter sur les pratiques, la discipline enseignée. Ils favorisent la prise de recul et le développement professionnel par la confrontation des expériences, des points de vue, parfois par la mise en commun de ressources. Lorsqu’ils consistent en un partage de renseignements et de ressentis au sujet d’élèves, ils opèrent comme un vecteur d’information voire de réflexivité. Une fonction informative est encore remplie par diverses communications sur la vie de l’établissement. Certains échanges autour des personnels de direction, des programmes, des réformes, du système, facilitent la compréhension et le positionnement vis-à-vis des attentes institutionnelles. Lorsqu’il n’est pas question du travail, les échanges informels peuvent concerner la sphère privée, et apparaissent comme indispensables pour se détendre, respirer, se re·mettre en condition avant un cours… Ils favorisent le lien social, le sentiment d’appartenance, soutiennent le bien-être, le sentiment de confiance en soi, et rassurent quant à la possibilité de trouver un soutien en cas de difficulté. L’existence d’un travail collectif, conditionné pour les enseignants à la volonté des équipes et peu compatible avec l’injonction, est régulièrement mise en doute. Les échanges informels, même lorsqu’ils portent de façon claire sur l’activité professionnelle, sont ainsi rarement spontanément qualifiés de travail. Ils sont pourtant présentés comme incontournables au quotidien, et semblent faire fonction de liant dans le corps professionnel enseignant, participant de la fluidité du temps et des espaces scolaires, facilitant aussi l’articulation entre le métier vécu et son analyse.< Réduire
Résumé en anglais
The collective dimension of teachers’ work is a very present notion in institutional or political recommendations, as it is in much education and training research. Depending on the framework, “collective work” can refer ...Lire la suite >
The collective dimension of teachers’ work is a very present notion in institutional or political recommendations, as it is in much education and training research. Depending on the framework, “collective work” can refer to multiple kinds of “working together”: building or sharing resources, co-facilitating a course, participating in a meeting… However, this polysemous notion is often associated with definitions that a priori exclude informal exchanges, fortuitous conversations between peers which may or may not concern their professional activity. We are precisely interested in this type of communication, which seems to be fully part of the collective dimension of the activity. We thus question the place, the function, and effects of informal exchanges between teachers in their daily work, and more particularly in the context of general and technological French “lycées”. A broad approach to the work concept made it possible to grasp, in a generic way, different levels of complexity. These have revealed, on several scales, sensitive articulations between actors, objects, processes, especially with regard to activities in the field of services. Teachers’ work was then more particularly studied. Sometimes described as impossible because it never fully achieves its objectives, the profession is also subject to strong individual and social expectations. Teaching activity is thus part of a network of tensions and paradoxes: between organizational or institutional constraints and effective margins of freedom; between routine and unpredictability; between the taste for a discipline and its necessary mourning; between the persistent subjective value of the profession and the degradation of the associated social status; between regrets and resistance to working together; between collective organization’s promotion, weakness of the deployed resources, and traditional cellular division of work… Our field survey, based on interviews (23 teachers, three principals) supplemented by an exploratory questionnaire and a tool for self-reporting of exchanges (respectively 128 and 12 individuals), revealed different types of informal exchanges and associated functions. The exchanges about work can relate to the practices, the taught discipline. They encourage taking a step back and professional development by comparing experiences and points of view, sometimes by pooling resources. When they consist of sharing information and feelings about students, they operate as vectors of information and even of reflexivity. Additionally, the various communications on the life of the school fulfil an informative function. Some exchanges around frameworks, programs, reforms, the educational system, facilitate understanding and positioning regarding to institutional expectations. When it is not about work, informal exchanges can concern the private sphere, and appear essential to relax, breathe, get (back) in condition before a course… They promote social ties and feeling of belonging, they support the well-being, the feeling of self-confidence, and reassure about the possibility of finding support in case of difficulty. According to the teachers, the collective work depends on teams’ wishes and is hardly compatible with the injunction. They regularly question its existence. Informal exchanges, even when they clearly relate to professional activity, are thus rarely spontaneously qualified as work. However, they are presented as essential on a daily basis, and seem to act as a link in the professional teaching body, contributing to the fluidity of time and school spaces, also facilitating the articulation between the experience of the profession and its analysis.< Réduire
Mots clés
Échanges informels
Enseignants
Espace interstitiel
Collectif au travail
Socialisation professionnelle
Mots clés en anglais
Informal communications
Teachers
Interstitial space
Collective at work
Professional socialization
Origine
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