L'invention des Pyrénées. Construction et mutation du regard sur les paysages

Abstract

C’est sous l’angle d’une « vogue » que Marguerite Gaston décrivait, il y a un demi-siècle, l’engouement des élites de la première moitié du XIXème siècle pour les Pyrénées. L’heure était alors au rassemblement du corpus des œuvres témoignant de la déclinaison pyrénéenne d’un « sentiment de la montagne » d’essence romantique. La « vogue » du voyage dans la chaîne était alors prioritairement abordée comme un phénomène artistico-littéraire. Durant les décennies qui ont suivi, on a interrogé différemment le développement d’une curiosité pour les Pyrénées. Artistes et écrivains n’ont plus eu le monopole de l’attention des historiens. La chaîne a été replacée à la croisée de perceptions et de représentations plurielles, qui ne s’expriment pas toutes dans des « œuvres », mais ressortent de multiples sources, textuelles, iconographiques et également matérielles, l’aménagement de la chaîne et son inscription dans les paysages étant eux-mêmes appelés à témoigner de manières de voir datées. L’attention s’est portée sur les faisceaux de représentations, convergentes ou divergentes, dans lesquels s’inscrivent ces regards, ainsi que sur les formes évolutives de sensibilités qui organisent le rapport au monde montagnard. L’espace pyrénéen a cessé d’être considéré comme une« réalité » sur laquelle ces regards seraient venus se poser. On l’a de plus en plus appréhendé lui-même sous l’angle d’une construction subjective, mettant en jeu un imaginaire producteur de réalités spatiales. C’est sous cet angle qu’a été en particulier reconsidéré le mouvement de « découverte » des Pyrénées de la fin du XVIIIème et de la première moitié du XIXème siècles. Il a cessé d’apparaître comme une simple vogue pour devenir le moment d’une invention, au sens de l’émergence d’une réalité perçue nouvelle. Et l’on s’est dès lors attaché, notamment, à comprendre comment ce qui n’était que pays est devenu paysage.