Construire la renommée des produits navals à la fin du XVIIe siècle, une impossible quête ?

Abstract

La Marine de Louis XIV a été en grande partie construite grâce aux provisions navales des pays du Nord. Mais lorsque la guerre de la Ligue d’Augsbourg éclate en 1688, la France doit faire face à une coalition réunissant l’Angleterre et la Hollande, qui interdit de fait les approvisionnements en provenance de ces deux pays et coupe l’accès aux marchandises de la Baltique. La marine française doit alors compter sur ses propres forces, produire son chanvre, fabriquer son goudron, fondre ses canons… Mais si l’obstacle est surmonté, la guerre peut alors devenir une opportunité pour la production française. Elle oblige le pays et ses entrepreneurs à fabriquer en France pour offrir un produit répondant aux normes de qualité précédemment en vigueur. C’est l’occasion de faire la démonstration de ces produits, de construire leur réputation, d’imposer leur utilisation à des clients jusqu’alors réticents et qui sont donc susceptibles d’adopter ces nouveaux produits à long terme. Pour les entrepreneurs nationaux, le fait de fournir la marine est également susceptible de devenir une sorte de label, une garantie de qualité en raison des normes drastiques imposées par l’État. En revanche, si l’État ne parvient pas à convaincre, une méfiance à l’égard de la production française peut s’installer durablement, ce qui peut avoir de graves conséquences. On l’aura compris, examiner la question de la construction de la réputation des produits navals français à la fin du XVIIe siècle permet d’interroger de manière originale le problème des liens entre réputation et marchés.On s’intéressera aux enjeux de la construction de cette réputation, aux moyens mis en œuvre et aux résultats obtenus.Convaincre de la qualité et assurer la réputation de ces produits nécessite de lutter contre une hiérarchie bien établie, et la guerre peut être une opportunité dans ce projet. Mais au-delà des principes, il faut aussi s’intéresser aux méthodes utilisées par la Marine. Elle peut profiter des circonstances créées par la guerre, en accentuant les logiques déjà à l’œuvre. Elle peut aussi être proactive, en contraignant les comportements, ou en essayant de convaincre, de diverses manières. Les progrès dans la reconnaissance de la qualité française sont très inégaux selon les produits considérés, ce qui pose la question de l’efficacité des méthodes utilisées, qui ne sont pas sans effets pervers.