Le sanglier urbain bordelais : un modèle d’étude, une démarche

Abstract

Sensationnelle, la pénétration de la grande faune dans le cœur des villes fait l’objet d’une couverture médiatique croissante. Le phénomène s’institue aussi comme un formidable modèle d’étude des mutations environnementales et sociétales contemporaines : adaptations biologique et comportementale d’une espèce anthropophile à la proximité avec les humains, modifications des systèmes de gouvernance de la nature urbaine, dichotomie rural/urbain, évolution des représentations de la nature, de l’animal, du sauvage, voire de la chasse. Multifactorielle, la problématique sanglier urbain justifie une analyse globale, systémique et interdisciplinaire. Nous adoptons une entrée spatiale pour appréhender cet objet d’étude et portons une attention particulière à l’étude des spatialités animales, avant d’entrer dans l’analyse des effets de la coexistence sur le système social et animal. Par la multiplication des approches, l’interdisciplinarité contribue à nous « retenir » sur le terrain. Il s’agit de s’interroger, dès les premiers temps de la recherche, sur une approche permettant de « doser sans survoler », suivant le fil rouge de l’étude consolidé par la phase d’intégration de la théorisation ancrée. Pour traduire les interactions entre dynamiques sociales et naturelles, nous mobilisons la modélisation socio-écosystémique comme guide de la recherche. Nous proposons et discutons un socio-écosystème de la coexistence entre humains et sangliers urbains centré sur les services et disservices écosystémiques. La modélisation du socio-écosystème revêt quatre intérêts : 1) elle s’institue comme outil de contextualisation, d’articulation d’un matériau hybride et de problématisation, sans toutefois orienter les observations empiriques ; le modèle s’envisageant lui-même comme une hypothèse ; 2) le modèle révèle les zones d’ombre inexplorées à l’issue de la recherche, ouvrant de nombreuses perspectives de recherche inter- et transdisciplinaires ; 3) la mise en évidence des éléments de liaison entre les composantes du système et des phénomènes de seuils à l’origine de basculements des dynamiques, susceptibles d’apporter des pistes de réflexion gestionnaires ; 4) Enfin, permettant l’intégration d’approches scientifiques, professionnelles, politiques ou citoyennes, la modélisation s’institue à la fois comme outil de méthodes participatives de construction de la connaissance et comme support de médiation autour d’une situation complexe et conflictuelle.