dc.description.abstract | Avec environ 30 % du phosphore total sous forme organique, la minéralisation du phosphore (P) organique du sol (POS) est souvent évoquée comme un mécanisme possible de réapprovisionnement de la solution du sol en ions orthophosphates. Ainsi, le POS pourrait contribuer de manière significative au P phytodisponible et participer à la nutrition des plantes cultivées. Toutefois, l’évaluation de la minéralisation nette du POS de la couche labourée ararement été étudiée sur le long terme (plusieurs décennies) dans des conditions au champ. Les essais longue-durée sont des dispositifs particulièrement pertinents pour étudier la dynamique du POS sur le long terme. La minéralisation nette du POS est la somme de la minéralisation brute du POS, de l’organisation du P dans la biomasse des micro-organismes et de la minéralisation du P de la biomasse des micro-organismes. L'objectif de cette étude est de déterminer les vitesses de minéralisation nettes annuelles du POS dans la couche labourée d’un sol cultivé en fonction de différents régimes de fertilisation phosphatée. L’étude s’appuie sur les données expérimentales d’un essai conduit sous une monoculture de maïs (Zea mays L.) pour une durée de 29 ans. Cet essai a été établi en 1972 dans le Sud-Ouest de la France sur un sol sableux (arénosol luvique) légèrement acide (pH = 5,9) avec une densité apparente de 1,56 g cm-3. Trois régimes de fertilisation minérale de triple superphosphate (Ca(H2PO4)2 H2O, 20% P) ont été appliqués (0 (P0), 44 (P44), et 96 (P96) kg P ha-1 yr-1 ) dans un dispositif comprenant 4 blocs. Le sol a été cultivé sous une monoculture de maïs irriguée. La couche labourée de sol de chaque parcelle a été échantillonnée à intervalles réguliers (tous les 4 ans environ) sur une profondeur de 25 cm. La teneur de POS a été calculée par la méthode Saunders & Williams (1955). Pour un échantillon, 1g de sol a été calciné à 550 °C pendant 4h. Par la suite, le P des échantillons de sol, un calciné (P total Saunders & Williams, PTsw) et un non calciné (P inorganique du sol Saunders & Williams, PIsw), ont été extraits par une solution de 50 mL de H2SO4 à 0.1 M pendant 16h. Le POSsw est ensuite calculé par la différence entre le PTsw et le PIsw. La minéralisation nette du stock du POSsw avec le temps est calculée par régression linéaire où la pente correspond à la minéralisation nette annuelle du POSsw. La teneur en POSsw initial est de 104 ±25 mg P kg-1 de sol et représente en moyenne 406 ±97 kg P ha-1 dans la couche labourée. Ce compartiment ne varie pas significativement au cours de l'essai pour l’ensemble des traitements (p-value = 0,1). Ainsi, le POSsw représente environ 33 % du PTsw du sol dont le stock est de 1283 ±230 kg P ha-1 en moyenne. Toutefois, on observe une tendance à l’augmentation du stock de POSsw de +1,5 (±1,0) kg P ha-1 an-1 , ce qui représente une augmentation de +43 kg ha-1 sur les 29 années de suivi. Le régime de fertilisation n’a pas d’effet significatif sur la minéralisation nette du POS. Les stocks de PTsw et de PIsw sont significativement affectés par le régime de fertilisation phosphatée et par les années. Ainsi, sans apport de P, le stock de PTsw diminue de -12,6 (±3,6) kg P ha-1 an-1 . Il augmente de +7,6 (±5,0) et de +22,1 (±5,0) kg P ha-1 an-1 pour P44 et P96, respectivement. Le PISsw suit les mêmes évolutions et les mêmes ordres de grandeur de -13,4 (±2,8), +6,2 (±3,9) et +19,9 (±3,9) kg P ha-1 an-1 pour P0, P44 et P96, respectivement. Les résultats présentés dans l’étude montrent une tendance à l’augmentation du stock de POSsw, ce qui a également été observé par Appelhans et al. (2020). Cependant, ces auteurs observent que le régime de fertilisation augmente significativement les vitesses d’organisation : de 6 à 13 kg P ha-1an-1 pour des apports de 0 et 36 kg de TSP ha-1 an-1 respectivement (extraction au bicarbonate). À l’inverse, certaines études ont rapporté une minéralisation nette qui augmente de quelques kilogrammes en moyenne avec la fertilisation phosphatée (Chater and Mattingly 1980; Song et al. 2011; Zhang and MacKenzie 1997). Ces deux études incluent l’effet de fertilisants organominéraux comprenant des fumiers et/ou des phosphates solubles. La tendance à l’augmentation du POS sur 29 ans d’essai peut être expliquée par une incorporation de P (qualifié de P "humifié") au POS (par les apports exogènes, i.e. résidus de culture, ou une organisation de P dans la biomasse microbienne) légèrement supérieure à la minéralisation brute annuelle. Comme le stock de POS est relativement stable sur la durée de l’essai, la variation du PTSsw observée en fonction de l’année et du régime de fertilisation est exclusivement due à la variation du stock de PISsw (figure 1). Bien que la vitesse de minéralisation nette du POS ne soit pas significative sur la période étudiée, la minéralisation brute du POS peut toujours avoir lieu et contribuer significativement au réapprovisionnement de la solution du sol en ions orthophosphates. Cette considération impliquerait que le flux de P incorporé au POS et le flux de minéralisation brute soient à l’équilibre dans le système étudié. Ainsi, il est nécessaire de chiffrer et de préciser le flux d’ions orthophosphates issus du processus de minéralisation du POS. Afin d’évaluer les vitesses de minéralisation brute du POS, il est nécessaire de développer un modèle mécaniste et fonctionnel décrivant la dynamique du POS dans la couche labourée des sols de grande culture. Cette évaluation de la vitesse de minéralisation du POS doit être étendue à d’autres types d’agrosystèmes, comprenant d’autres types de sol, successions de cultures, climats et formes defertilisants phosphatés, notamment les formes organo-minérales dans les produits résiduaires organiques comme les effluents d’élevages. | |