Construction de mémoire historique par le bas : ethnicité et conflit armé en contexte de réparation intégrale

Abstract

Parmi l’univers des victimes reconnues par l’État colombien, la position singulière des peuples autochtones et communautés noires fait l’objet d’une approche différentielle ethnique guidant l’ensemble des politiques de sortie de conflit. En effet, le caractère disproportionnel, différentiel et historique des violences subies par ces populations est à l’origine de lois encadrant le droit des victimes ethniquement différenciées. Les politiques de réparation symbolique reflètent ces perspectives multiculturalistes et les institutions transitionnelles en charge des politiques mémorielles se sont efforcées de soutenir la multiplicité des voix et des lieux d’énonciation pour narrer le conflit armé et ses affectations différentielles. C’est cette pluralité de voix qu’incarnent les initiatives de mémoire historique qui se tissent sur l’ensemble du territoire national de façon plus ou moins institutionnalisée. Visant à contrebalancer l’existence d’un récit national unique, ces récits incarnés des violences tendent à questionner les formes dominantes de faire mémoire et les biais hégémoniques de la justice transitionnelle qui bornent le conflit armé aux violations de droits humains sur des intervalles de temps déterminés.Dans le cas des populations autochtones, nous verrons que les violences subies dans le cadre du conflit renvoient à la construction de mémoires subalternes sur le temps long et questionnent tout à la fois la temporalité du conflit armé et la centralité des droits humains pour aborder les réparations. En nous appuyant sur un travail de terrain mené en 2021 auprès d’une communauté indigène en processus de réparation collective suite au déplacement forcé d’une partie des survivant.e.s d’un massacre paramilitaire, nous tentons de voir comment les dispositifs culturels mémoriels déployés permettent de questionner les visions hégémoniques du conflit armé et des droits affectés.