Economie sociale et solidaire et responsabilité sociale des entreprises: quelle légitimation par le territoire?

Abstract

L’article s’interroge sur la tension entre la montée en puissance de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) comme instrument de légitimation pour les entreprises sur leurs territoires et des pratiques historiquement plus ancrées et coopératives de l’économie sociale et solidaire (ESS), qui peinent à faire reconnaître leur légitimité. Notre hypothèse est que les tensions potentielles entre ces deux registres d’institutionnalisation de l’économie ne conduisent pas systématiquement à des postures d’affrontement ou d’évitement, mais plutôt à trois types d’interactions. Si certains pans de l’ESS voient dans la RSE une menace supplémentaire d’isomorphisme ou d’alignement sur le référentiel capitaliste, d’autres adaptent et hybrident leurs normes et pratiques à l’extension de la norme RSE. Une troisième réponse, consiste pour l’ESS à développer des pratiques alternatives conduisant à une « RSE par le bas » valorisant un ancrage territorial de l’ESS se traduisant par des pratiques de coopération territoriale. Cette diversité dans l’appropriation de la RSE par l’ESS donne à voir la capacité de l’ESS à se saisir de cette nouvelle forme d’évaluation pour l’adapter à son modèle. Cette diversité reste cependant masquée pour partie par le discours dominant sur la RSE. Paradoxalement la RSE contribue ainsi à révéler la pertinence du modèle de l’ESS tout en contribuant à l’invisibiliser. Nous mobilisons à cet effet les approches en termes de logiques institutionnelles, de la sociologie du travail politique, des problèmes publics et des dynamiques territoriales. Le propos se fondera sur la littérature académique et institutionnelle disponible en contexte français et sur les enquêtes empiriques conduites par les auteurs sur les dynamiques territoriales de l’ESS en Provence-Alpes-Côte-d’Azur et en Nouvelle Aquitaine.