dc.description.abstract | Avec l’instauration de la Sécurité sociale et le remboursement des cures par l’Assurance maladie, les stations thermales françaises sont, au sortir de la seconde guerre mondiale, consacrées par l’État comme territoires de santé. Pendant près d’un demi-siècle, elles représentent des espaces géographiques du vieillir car elles apparaissent comme des lieux légitimes dans l’accompagnement des pathologies et affections qui marquent l’avancée en âge. Intervient néanmoins, au cours des années 1990, une remise en cause du service médical rendu par les soins thermaux. Couplée à une lourde chute de fréquentation, cette menace précipite la mobilisation des acteurs de la filière sur la scène nationale. Elle entraîne, par ailleurs, une importante modernisation (médicale et touristique) de l’activité à l’échelle locale qui se voit largement accompagnée et orientée par les élus dans un souci d’attractivité territoriale, pouvant par ailleurs leur permettre d’élargir leur capacité politique (Stone, 1989). Cette recomposition du thermalisme français est prise pour objet à partir du cas de Bagnoles de l’Orne, une station située en Normandie, où l’évolution de l’offre initiée par l’établissement thermal bagnolais se présente comme une « fenêtre d’opportunité » à saisir pour l’exécutif local. En effet, « les collectivités locales ne peuvent intervenir sur l’offre de soins » (Clavier, 2009 : 52). Ainsi, au titre de la clause générale de compétences, la municipalité profite ici de la compétence touristique pour élargir son champ d’intervention et crée, en 2011, un établissement public à caractère industriel et commercial intitulé « Bagnoles de l’Orne Tourisme » qui entraine un réaménagement du « gouvernement municipal » bagnolais (Borraz, 2000 : 13). Via ce dispositif, la municipalité s’affirme comme l’organisateur d’une action collective associant tous les socio-professionnels bagnolais liés de près ou de loin à ce qui constitue le cœur de son économie et un enjeu politique local fondamental : le thermalisme. L’investigation a d’abord été centrée sur l’établissement thermal, son personnel et les curistes, au moyen d’une observation participante et de 26 entretiens semi-directifs. Le système politico-administratif local a ensuite été étudié dans une perspective socio-historique via l’exploitation des archives de la ville et de nouveaux entretiens. L’enquête permet ainsi de montrer que si les stations thermales demeurent des territoires du vieillissement, c’est la norme du « bien-vieillir » (Guillemard, 2013) dans une démarche de prévention, d’éducation et de promotion de l’activité physique qui tend désormais à être visée, de sorte que l’expérience proposée du séjour s’en trouve changée.<br><br>Borraz Olivier. 2000. « Le gouvernement municipal en France. Un modèle d’intégration en recomposition », Pôle Sud, 13, 11-26. <br>Clavier Carole. 2009. « Les élus locaux et la santé : des enjeux politiques territoriaux », Sciences sociales et santé, 2, 47-64.<br>Guillemard Anne-Marie. 2013. « Le vieillissement actif : enjeux, obstacles, limites », Retraite et Société, 2, 65, 17-38.<br>Stone, Clarence. N. 1989, Regime politics. Governing Atlanta, 1946-1988, Lawrence KS : University of Kansas Press.<br><br>Résumé de l'article : <br>Avec l’instauration de la Sécurité sociale et le remboursement des cures par l’Assurance maladie, les stations thermales françaises sont, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, consacrées comme des territoires d’accompagnement des pathologies et affections qui marquent l’avancée en âge. Intervient néanmoins, au cours des années 1990, une remise en cause par les pouvoirs publics du service médical rendu par les soins thermaux. Cette menace précipite la mobilisation des acteurs du thermalisme pour défendre les intérêts de la filière auprès de l’État. Organisés nationalement, ils cherchent alors à rappeler leur légitimité et leur savoir-faire dans la prise en charge du vieillissement pathologique. Mais ils se saisissent également du paradigme du « bien vieillir » et du « vieillissement actif », voyant là une opportunité de croissance pour relancer une activité par ailleurs fragilisée par la chute de fréquentation des établissements thermaux. Située en Normandie, la station de Bagnoles de l’Orne constitue un cas d’étude pour observer, au niveau local, la recomposition du thermalisme. Accompagnée et orientée par les élus dans un souci d’attractivité territoriale, la modernisation de l’offre thermale bouleverse des équilibres anciens. Ainsi deux vieillesses tendent-elles désormais à cohabiter sur ce territoire. Cherchant à adapter la cure aux enjeux récents de santé publique, les professionnels du thermalisme entendent continuer à accueillir des patients âgés et malades. S’est toutefois développée une seconde approche du vieillissement. Centrée sur la prévention, l’activité physique et le bien-être à destination d’un public bien portant et solvable, elle s’accorde avec la montée des injonctions au vieillissement réussi. | |
dc.description.abstractEn | After World War II, French thermal cure centres came to be considered as territories where diseases and ailments linked to ageing were dealt with as the period was also that of the implementation of the Social Security and the repayment of mineral water cures by the Health Insurance. Nevertheless, the medical service offered by thermal care was challenged by the public authorities in the 1990s. This threat hastened the mobilization of thermatology’s players who organized themselves nationally in order to defend its interests to the State. Doing so, they aimed at reminding people of their legitimacy and expertise in terms of treating age-related ailments. But they also took up the paradigm of “getting old well” and “active ageing”, which they considered as a chance to boost a weakened business because of the dramatic decrease of thermal cure centres. This reorganization of French thermatology can be analyzed at a local scale through the case of Bagnoles de l’Orne’s thermal cure centre, located in Normandy. The modernization of the business was largely accompanied and oriented by the elected representatives who were willing to make the territories attractive, and it disrupted former agreements. Thus, two ways of growing old tend to coexist on this territory. Constantly looking for ways of adapting the cure to recent stakes in public health, thermatology professionals wish to keep welcoming old and ill patients. But a new approach of ageing also developed: centred on prevention, physical activity and well-being for healthy and solvent people, it goes alongside an increasing pressure laid on successful ageing. | |