Voix et présence. Les lettres historiées d’un missel du XIIIe siècle à l’usage de Notre-Dame de Belval (Charleville-Mézière, BM, ms. 243)

Abstract

L’initiale historiée relève d’une pratique graphique propre au Moyen Âge et qui émane de la théologie de la Parole. Le Verbe initial – Verbum - s’est incarné dans l’Écriture – Scriptura – puis ensuite s’est fait chair (Jn 1, 14). En accentuant la dimension plastique de la lettre, en mêlant, voire en hybridant le signe alphabétique et le signe iconique, il devenait possible de signifier pleinement les modalités de l’incarnation du Verbe dans la matière sensible : l’Écriture fixe la Parole et l’image figure le Dieu incarné. L’ouverture du livre au moment du rituel est un dévoilement de la Parole sacrée. Les mots du Verbe sont des agents qui, une fois écrits, affectent la substance de leur matière au même titre que l’Incarnation ou l’Eucharistie affectent la substance des éléments concernés. Dans sa matérialité même, le manuscrit est donc sacré. Les lettrines historiées sont elles-mêmes les signes sacrés, voire divins, du texte qu’elles ouvrent et reformulent pour mieux activer la présence de Dieu dans le monde sensible. Pour mettre à l’épreuve ces observations, nous avons choisi un missel de Prémontré réalisé dans le scriptorium de l’abbaye Notre-Dame de Belval, fondée au XIIe siècle. Ce manuscrit de la fin du XIIIe siècle a peut-être été réalisé sous l’abbatiat de Jacques Ier (1269-1286) ou celui de Jacques IV (1286-1303). Ce missel, objet de cet article, comprend cinq initiales historiées qui seront analysées.