L’étude porte l'identification des traitements utilisés pour soigner des maladies carentielles comme le rachitisme à la fin de l'époque moderne et à l'époque contemporaine en France et cela à travers différents types de sources. Cette période a connu la transition industrielle qui a porté de nombreux changements socio-économiques avec un impact sur la santé des populations et notamment sur les maladies carentielles comme le rachitisme. En France, l’archéopharmacologie textuelle permet d’identifier des traitements traditionnels contre le rachitisme à base de plantes (e.g. rhubarbe, opium, quinquina), traitements d’origine animale (e.g. après 1850, l’huile de foie de morue, le seul efficace) et d’autres composés de métaux (e.g mercure). Le mercure, reconnu aujourd’hui particulièrement toxique, a été largement utilisé à des fins médicales à partir du 17e siècle sous forme de sirop, d’onguent ou en fumigation. Nous présentons ici l’individu SP5 du cimetière de la Rue Thubeuf (Rouen, fin 18e - 19e siècles). Cet enfant âgé de 3 à 4 ans présente des signes osseux de carences multiples, probablement rachitisme et scorbut. Les carences en vitamine D ont été recherchées via la détection de dentine interglobulaire (IGD) par analyse microtomodensitométrie (µTDM) de la deuxième molaire inférieure. Un corps de vertèbre thoracique a été prélevé pour accéder à l'os cortical et à l'os trabéculaire pour potentiellement renseigner les derniers mois de vie. La recherche de mercure par caractérisations physico-chimiques a nécessité une méthodologie en trois étapes permettant de limiter le caractère invasif de l’étude : 1- détection par ED-XRF (Energy Dispersive X-ray Fluorescence), 2- quantification par CV-AAS (Cold Vapour-Aromic Absorption Spectrometry), 3- localisation dans la structure minérale par LA-ICP-MS (Laser Ablation - Inductively Coupled Plasma - Mass Spectrometry). Les images µTDM de la m2 de SP5 ont mettent en évidence un événement carentiel mineur entre la naissance et l'âge de six mois et non responsable des déformations osseuses. Le spectre produit par ED-XRF sur l’échantillon osseux montre un pic correspondant aumercure, absent sur le spectre de l’échantillon dentaire. Enfin l'analyse CV-AAS a révélé une forte concentration de mercure dans le corps vertébral de SP5 (9,373 mg/kg ± 10 % d'incertitude). Cette concentration de mercure dans l'os de SP5 est parmi les plus élevées relevées dans les restes humains archéologiques en Europe. Cette première étude archéométrique pourrait donc confirmer les sources médico-historiques de l'utilisation du mercure comme thérapeutique du rachitisme au cours d'une période pivot de transition industrielle et épidémiologique.Read less <