La construction/destruction de soi dans et par la ville : Philadelphie (Rocky, 1976) vs. Londres (Naked, 1993)

Abstract

L'article parle du rôle du décor urbain dans la construction d’un mythe, ce dernier terme étant ici entendu dans deux acceptions différentes quoique complémentaires. Il s’agit d’abord de l’acception première du mot, son sens étymologique de récit, de fable. Il s'agit donc d'étudier la fonction narrative de la ville, sa valeur actantielle. En quoi le décor urbain d’un film peut-il faire avancer le récit, en quoi constitue-t-il un des ressorts dramatiques dont dispose le réalisateur pour construire son récit ? La deuxième acception du terme que je prendrai en compte est celle qui s’applique à un personnage. On peut dire à propos de tel personnage qu’il est « un mythe ». Ce qui intéresse ici c’est la façon dont le personnage à dimension mythique colle à la ville qui le voit se mythifier au fur et à mesure que le récit avance. C’est-à-dire la manière dont le personnage et la ville s’imbriquent, fusionnent, pour donner naissance au mythe, de nouveau dans le deux sens dudit terme.Les deux films que nous avons choisi de comparer, Rocky de Sylvester Stallone et Naked de Mike Leigh, s’opposent sur de nombreux points (comme on aura l’occasion de le constater) mais convergent sur le point essentiel qui nous intéresse: en effet, la construction narrative des deux films se fonde quasi exclusivement sur le binôme personnage marginal / grande ville occidentale à l’ère postmoderne. L’intérêt d’un telle étude parallèle réside évidemment davantage dans les contrastes que l’on peut observer que dans le jeu de ressemblances qui ne fournira que le prétexte et la validation de la pertinence de la comparaison. C’est pourquoi, après avoir, dans un premier temps, mis en lumière ce qui rapproche les deux films, ce qui en fait deux récits mythiques comparables, nous nous attarderons peut-être davantage sur les éléments qui font du personnage central de Naked –Johnny– une espèce de négatif de Rocky Balboa. Enfin, nous tenterons de tirer de notre étude une réflexion plus large sur la question de l’existence ou de l’inexistence d’une spécificité des identités américaine /européenne en faisant du rapport de ces deux personnages à leurs villes respectives des symptômes révélateurs des dites idiosyncrasies collectives.