La résilience pour la sécurité alimentaire en pratique au Burkina Faso : ambition transformatrice ou simple reconduction des projets ?

Abstract

La résilience occupe, depuis le milieu de la décennie passée, une place importante dans les cadres d’analyse et d’intervention des acteurs de l’aide et du développement. Centrée sur la notion de capacité et d’agencéité, elle est souvent considérée dans la littérature académique comme un schème mobilisateur, du fait de ses dimensions intégrative et transformative. Nous choisissons, dans cet article, d'aborder la notion par ses déclinaisons empiriques, en analysant le sens et la forme qui lui est donnée par les différents acteurs du développement. Le Burkina Faso, qui traverse plusieurs crises intriquées, est un cas d’étude qui nous semble particulièrement pertinent : les projets orientés "résilience" s'y sont multipliés ces dernières années, à l'entrecroisement de logiques d'interventions plurielles, portées par des acteurs, eux-mêmes, pluriels. Pour analyser les contours qu'a pris la "résilience" dans ce contexte en développement, nous avons recensé et codé l'intégralité des projets/programmes ayant été menés en son nom depuis 2013. Nous analysons ce matériau, complété par des entretiens réalisés avec des ONG et des acteurs de la coopération, en mobilisant les outils de la théorie des graphes : chaque projet recensé est vu comme porteur d'une ou plusieurs approches, dont nous essayons de saisir les interrelations. Nous montrons que plusieurs « réseaux de sens » se dessinent autour de la résilience, sans pour autant émerger en paradigmes faisant consensus. A partir de l’analyse de réseaux, nous expliquons cette non-émergence par un phénomène de convergence vers le centre (une définition englobante brouillant les frontières entre les approches) et de fragmentation à la marge (des définitions spécifiques tendant à réifier et à isoler les approches).