Production, circulation et consommation de la nourriture à Wallis. « Traditions », « complexe technique » et dissémination d’un phénomène social fondamental

Abstract

L’étude de l’organisation sociale et du cycle rituel menée à Wallis (Polynésie occidentale) depuis trente ans a mis en évidence la dimension fondamentale des pratiques alimentaires et culinaires, ordinaires et extraordinaires. Cela me conduit à renverser ici la perspective qui mena Mauss à proposer le concept théorique et méthodologique de « phénomène social “total” ». Certes, les distributions de vivres (katoaga) spectaculaires présentent tous les critères d’un fait social total, mais la préparation et la consommation des nourritures présentent, au-delà de ces événements, une dimension paradigmatique : viennent s’y enraciner le social lui-même et ses dynamiques. Elles sont fondamentales et disséminées au cœur des responsabilités rituelles masculines et féminines en ce qu’elles offrent l’assise à partir de laquelle sont conçues la forme d’existence propre à la personne humaine, les relations de parenté et les groupes sociaux de toutes échelles où elles se déploient. Elles ne forment donc pas un ordre de faits isolable, un domaine du social, une de ses manifestations ou expressions ayant valeur symbolique ou identitaire. Préparation et consommation des nourritures sont une condition de réalisation et de reconduction de la société locale.