Les politiques des jeunes agriculteurs en Amazonie, ou l'ambiguïté de la référence au modèle français
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Regards croisés France-Brésil., Regards croisés France-Brésil.. 2008p. 65-83
Harmattan
Resumen
Discourir sur les relations France-Brésil au travers des expériences agricoles brésiliennes peut paraître facile tant il existe des liens entre les modèles agricoles français et brésiliens. Cette facilité n'est bien entendu ...Leer más >
Discourir sur les relations France-Brésil au travers des expériences agricoles brésiliennes peut paraître facile tant il existe des liens entre les modèles agricoles français et brésiliens. Cette facilité n'est bien entendu qu'illusoire, ne serait-ce que parce que le rapport du Brésil au modèle agricole français est plus qu'ambigu. Alors qu'il n'était encore que le candidat du Parti des travailleurs, Luis Ignacio Lula da Silva, au retour d'un voyage en France, a loué le modèle agricole français, en particulier en ce qui concerne le soutien à ce qu'il appelait " l'agriculture familiale ". Il s'est alors immédiatement retrouvé sous le feu de la critique, y compris à l'intérieur de son propre camp politique, puisque ce modèle agricole est, au Brésil comme dans de nombreux autres pays, accusé de fausser la concurrence internationale et d'appauvrir les agriculteurs des pays les plus pauvres. Depuis qu'il est au pouvoir Lula est lui-même un ennemi des plus intimes de la Politique agricole commune (PAC) ainsi qu'un artisan efficace et acharné de l'échec des négociations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) autour de ce point. Les volte-face de Lula ne peuvent être comprises qu'au sein des rapports de force internes au Brésil. Comme tous les pays latino-américains, le Brésil est caractérisé par une forte opposition latifundio-minifundio. Pendant très longtemps, seul le secteur de la grande propriété a bénéficié des aides de l'État... la petite propriété étant très largement oubliée des politiques publiques. Le secteur de la grande propriété a ainsi bénéficié des politiques de modernisation de l'agriculture, qui n'entendaient pas toucher à la structure sociale du monde rural mais seulement à la production économique. Un secteur entrepreunarial a ainsi pu émerger, et même jouer un rôle important puisqu'il fait du Brésil un des grands pays agricoles, qui tire une partie importante des ressources de son agriculture... qui sont d'autant plus vitales que le Brésil en a besoin pour rembourser la dette. On comprend donc que l'Union européenne, et la France, soient les concurrents directs de ces agriculteurs. Cependant, la réussite économique de ce modèle ne peut faire oublier que l'agriculture familiale produit près de 60 % des denrées alimentaires consommées au Brésil, et qu'elle emploie 75 % de la population active agricole. La reconnaissance de ce rôle majeur de l'agriculture familiale va de pair, d'une part, avec le processus de démocratisation du Brésil, d'autre part, avec la montée en puissance des enjeux environnementaux qui font souhaiter la mise en place d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement que l'agriculture agro-exportatrice - rôle que l'agriculture familiale serait en mesure de pouvoir tenir. Mais cette nouvelle politique est encore à construire, et elle est très mal intégrée au reste du secteur agricole... le signe en est que deux ministères sont chargés du système agricole, l'un étant dédié à la grande propriété (le Ministère de l'agriculture), l'autre étant tourné vers l'agriculture familiale (le Ministère du développement agraire). Cependant, le secteur de l'agriculture familiale est extrêmement actif et des discussions très vives l'animent, puisqu'il s'agit rien de moins que d'inventer une politique qui lui serait destinée. On comprend dans ce cas qu'il soit tentant de s'inspirer du modèle français, réputé comme étant un modèle favorable à l'agriculture familiale. D'autant que la coopération française est très active, au niveau de l'agriculture, au travers d'organismes tels que le CIRAD, l'INRA, etc. L'invention est ainsi souvent faite de répétitions : c'est ce que l'on observe autour d'une volonté de professionnaliser l'agriculture familiale. La profession est identitairement valorisante, socialement utile et politiquement organisée. Dans le cas de l'agriculture, l'utilité sociale a souvent été associée à la productivité économique, et le cas brésilien ne fait pas exception à cette règle. Sachant que la figure du grand propriétaire est, au Brésil, valorisante et que ces derniers sont très bien organisés politiquement, la recherche d'un modèle pour l'agriculture familiale peut souvent se transformer en la transposition du modèle de la grande propriété - dans sa version productiviste - à la petite propriété... d'autant que la référence à la France agit dans le même sens. Mais que ce soit en France ou au Brésil, le débat autour de la question de la professionnalisation de l'agriculture familiale est très animé : pour certains, en particulier issus des milieux syndicaux et gouvernementaux, l'agriculture familiale doit être modernisée pour se professionnaliser, c'est-à-dire s'organiser autour de la revendication corporatiste et de l'efficacité économique. Pour d'autres, en particulier ceux qui sont issus des milieux associatifs, non gouvernementaux ou intellectuels, la professionnalisation de l'agriculture familiale est une négation de la diversité des différents types d'agriculteurs ; le changement social doit être plus respectueux de cette diversité, et même la considérer comme une chance pour le développement. Comme nous allons le voir, les débats dans les deux pays ont des résonances communes, résonances qui peuvent être dues soit à une certaine familiarité historique, théorique et idéologique se traduisant dans des discours fondés sur les mêmes présupposés, soit à l'adaptation brésilienne de structures françaises, en particulier éducatives. Nonobstant, la recherche d'influences croisées franco-brésilienne dans le cadre de l'agriculture ne saurait être simplement évoquée au travers de projets généraux. Afin de nous aider à démêler les emprunts et les critiques formulées au modèle français, nous nous attacherons à un type de politique particulier, celui des politiques destinées aux jeunes agriculteurs : la France est en effet un pays marqué par une politique de soutien très volontaires, aux jeunes agriculteurs et par l'importance de son système éducatif agricole - politique et système très souvent cités comme référence au Brésil. Ces politiques, dans la mesure où elles partent du présupposé que les jeunes sont un public facilement malléable, donc ouvert à des changements sociaux profonds, ont l'avantage de mettre à jour les conceptions de la " bonne " agriculture et du " bon " changement social souhaitées par les différents acteurs en place. À travers l'analyse du phénomène de professionnalisation de l'agriculture familiale croisé au modèle de formation français des Maisons familiales rurales (MFR), nous montrerons que les choix agricoles qui se construisent actuellement au Brésil sont empreints de nombreuses contradictions qui apparaissent lorsque l'on analyse ce qui est fait et compris des modèles importés.< Leer menos
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