Les enjeux d’une sociologie mondiale non-hégémonique

Abstract

La sociologie est une discipline qui s’est rapidement internationalisée dès la fin du 19e siècle avec la fondation d’un Institut international de sociologie dès 1893, associé à de nombreux pôles de développement non seulement en Europe mais aussi dans les Amériques et en Asie. Cependant, tout au long du 20e siècle, avec la décolonisation puis la « globalisation », la question s’est posée d’une sociologie internationale qui ne soit pas réductible à une vision du monde occidental mais qui intègre les spécificités empiriques et les points de vue extra-occidentaux. Même si la question de l’hégémonie épistémologique, financière, linguistique et institutionnelle occidentale ne se résume pas à la question coloniale et postcoloniale (notamment pour les sociétés d’Europe de l’Est, voire pour la Chine), les discussions internationales en cours sur cette question de l’hégémonie au sein de la sociologie internationale portent pour une grande part sur les enjeux de la postcolonialité. On pourrait penser que ces débats sont lointains, globaux, et ne concernent pas vraiment l’ordinaire de la théorie et de la pratique sociologique, notamment en France. Or c’est précisément l’objet de cet article que de montrer que ces discussions concernent le cœur même de la discipline, du récit qu’elle fait d’elle-même, du canon de ses « classiques » et la manière de les enseigner, de la capacité qu’elle a à rendre compte de rapports sociaux transnationalisés au-delà des limites du « nationalisme méthodologique »...