Entre pluralité des espaces de débat et singularité des ordres du jour : la carrière sinueuse du gaz de schiste

Abstract

Entre décembre 2010 et avril 2011, la multiplication des mobilisations autour du gaz de schiste contribue à inscrire ce qui va devenir un problème environnemental majeur d’abord à l’agenda médiatique puis à l’agenda gouvernemental, poussant le gouvernement à faire voter une loi prônant l’interdiction de la fracturation hydraulique nécessaire à l’exploration et l’exploitation de ces hydrocarbures. Cette lecture linéaire rend cependant insuffisamment compte de ce que l’observation empirique attentive de phénomènes plus discrets donne à voir : une trajectoire chaotique du sujet durant plus d’un an dans de nombreux micro-espaces de débat morcelés et souvent conflictuels. Cet article propose ainsi d’étudier les dynamiques singulières d’inscription à l’ordre du jour et de traitement du gaz de schiste dans une pluralité d’espaces de débat, mieux à même de refléter le fonctionnement fragmenté et agonistique des systèmes bureaucratiques, médiatiques, industriels et militants. Il montre, d’une part, comment la diversité de ces dynamiques d’inscription à l’ordre du jour contribue à favoriser une carrière chaotique du sujet, alternant confinement et visibilisation, domestication et dramatisation définitionnelles, appropriation et contournement et, d’autre part, comment, au cours de cette période, se forment les énoncés et leurs coalitions qui s’affronteront pendant la tempête médiatique du début d’année 2011.