Histoire & littérature : retour sur des liaisons dangereuses
BERTHO, Elara
Les Afriques dans le monde [LAM]
THALIM - Théorie et histoire des arts et des littératures de la modernité - UMR 7172 [THALIM]
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Les Afriques dans le monde [LAM]
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Langue
fr
Article de revue
Ce document a été publié dans
Acta fabula : Revue des parutions pour les études littéraires. 2015
École normale supérieure
Résumé
Le titre l'indique d'emblée ; le programme de lecture sera ludique, et le goût de la formule s'affiche avec malice : comment l'histoire peut‐elle bien être une « littérature contemporaine » ? Le jeu n'est pourtant pas ...Lire la suite >
Le titre l'indique d'emblée ; le programme de lecture sera ludique, et le goût de la formule s'affiche avec malice : comment l'histoire peut‐elle bien être une « littérature contemporaine » ? Le jeu n'est pourtant pas innocent, et la réflexion théorique qui s'y trouve imbriquée se révèle particulièrement enthousiasmante et stimulante. L'historien Ivan Jablonka s'attache à déconstruire les catégories pour mieux inventer des formes actuelles pour la recherche contemporaine — en histoire, en anthropologie, en études littéraires —, en choisissant ouvertement de déplacer le regard : il nous faut, dit‐il, des « formes pirates » (p. 18) pour renouveler la recherche, qui soient capables d'assumer la potentialité cognitive de la fiction, de l'inclure dans le raisonnement autant que dans le style. L'ouvrage se présente comme une remontée archéologique de la fondation de la discipline historique, en soulignant l'entrelacement, depuis Hérodote, de l'histoire et de la littérature, chacune des deux se définissant en regard de l'autre. Ce parti‐pris du temps long, sur vingt cinq siècles en quelques trois cents pages, lui sert avant tout à réinsérer le narrative debate qui a eu lieu dans la discipline historique, depuis le linguistic turn des années 1970 autour des propositions de Lawrence Stone et d'Hayden White [1], dans une interrogation plus vaste sur la narrativité des sciences sociales, et sur le partage des disciplines. Tout en étant discrètement mélancolique sur la mort des Belles Lettres et l'avènement du positivisme scientifique, l'auteur propose de penser la recherche en sciences sociales comme un terrain d'expérimentation de formes, en recourant à la capacité cognitive du verbe, autrement dit en prenant acte de la fonction herméneutique du récit. La première partie de l'ouvrage décrit cette « grande séparation » des historiens et des écrivains ; histoire et littérature ayant fonctionné comme deux pôles sur un continuum textuel, s'empruntant sans cesse des formes, des styles, ou des expérimentations, et se définissant dans le rapport au pôle opposé, dans la distance, dans le vide qui le relie l'une à l'autre. Aboutissant au constat de la nécessaire narrativité des sciences sociales, le texte bascule dans un second volet de l'analyse vers une refondation de l'histoire. Plus qu'un objet ou un style, elle est raisonnement, elle est démarche : elle se loge fondamentalement dans la densité d'une question posée au réel. Afin de correspondre à cette refondation, la dernière partie de l'essai suggère de nouveaux styles à forger, en élargissant le débat à l'ensemble des sciences sociales : aujourd'hui, le chercheur se doit d'inventer des formes inédites, en intégrant la fiction comme outil heuristique. Loin d'adopter une posture de déploration sur la séparation des disciplines, I. Jablonka ouvre des possibles, propose de nouveaux sentiers, des pistes, des bifurcations, des croisements entre les champs du savoir : il ne s'agit pas de remonter en amont du « grand partage » mais de réfléchir à une post‐disciplinarité possible, consciente des acquis méthodologiques des disciplines, et dès lors capable de s'en affranchir par une « inventivité archivistique, méthodologique, conceptuelle, narrative et lexicale » (p. 19). I. Jablonka nous invite à être joueurs, créateurs, inventeurs. Interrogeant le poids de la littérature dans l'histoire, il nous force, dans un mouvement‐retour, à revenir sur nos propres pratiques, en tant que littéraires, sur notre méthode d'étude des textes et des sources, mais de manière plus essentielle, sur notre pratique d'écriture de la critique.< Réduire
Origine
Importé de halUnités de recherche