L'esprit messianique souffle sur la Lisbonne baroque

Abstract

Il ne sera pas aisé de parvenir à briser les sept sceaux qui dérobent à notre regard la vérité de Sébastien, le «Roi Caché», mais il est important d'évoquer son histoire, celle d'un jeune roi, mort au cours d'une bataille où l'avait entraîné sa folie chevaleresque, et que la détresse d'un peuple a transfiguré en avatar du Christ, en empereur d'un Quint Empire d'inspiration biblique. Cette histoire, comme la plupart des histoires, a des racines lointaines : elles plongent dans une antiquité qui est le véritable creuset où se mélangent les éléments constituant la materia prima de la trame où vient se fixer notre vision du monde et notre rapport à un Invisible, nommé ou innommé. Nous nous y retrouvons dans un environnement familier, car il nous a structurés mentalement, celui des communautés juives, subissant, au long d'une histoire paradigmatique de la condition humaine, les persécutions de leurs vainqueurs successifs. Parallèlement à cette histoire, et comme une réponse à ses vicissitudes, naît ce que l'on pourrait appeler une littérature de crise, destinée à rendre supportable une réalité qui ne peut être vécue que comme une étape, pénible mais obligatoire, avant le grand jour de la délivrance finale. Ce n'est pas un hasard si celui qui est considéré comme le dernier grand prophète, Ezéchiel, parle au coeur des exilés de Babylone. Dans les dernières années de cet Exil, un texte est rédigé, connu sous le nom de Déutero-Isaïe (« le Second Isaïe »), dont le message, annonçant une ère nouvelle, fait de son auteur le premier prophète présentant une vision réellement eschatologique, avec l'instauration de la souveraineté divine ou d'un règne messianique. De retour en Israël, le prophète Zacharie parlera de ce futur règne partagé entre une autorité temporelle et un 1. Selon l'interprétation faite par le prophète Daniel d'un rêve du roi Nabuchodonosor, le Quint Empire, celui de l'Esprit, devrait succéder aux quatre autres grands empire : l'assyrien-babylonien, le persan, le grec et le romain.